1900. Adrien Zograffi et sa mère blanchisseuse viennent d'emménager dans le Comorofca, le quartier pauvre de Braïla, un village situé à l'est de la Roumanie. Le petit garçon de 8 ans, toujours propre sur lui et d'une grande politesse, ne s'intègre pas aux jeunes qui jouent au foot dans les rues crasseuses de la cité située sur les bords du Danube, pieds nus et en tenus débraillés, et semble prêt à devenir le souffre douleur tout trouvé du quartier. Un jour, il fait la connaissance du "géant du port", le fameux Codine qui n'est autre que son voisin, avec lequel il développe rapidement une amitié. Pourtant cet ancien bagnard a défrayé la chronique il y a une dizaine d'années, après qu'il eut commis un homicide, celui de son meilleur ami qui avait eu l'audace d'entretenir une relation extra-conjugale avec sa femme. Désormais sur la voie de la rédemption, Codine prend Adrien sous son aile et les deux personnages deviennent frères de croix et vont jusqu'à échanger leur sang, se promettant de se protéger l'un l'autre. Pourtant une dramatique épidémie de choléra révélera la force morale de Codine ... avant que son tempérament sanguin ne le fasse retomber dans ses travers.

Codine fait partie d'un cycle de quatre récits qui composent la jeunesse d'Adrien Zograffi, personnage récurrent de l'œuvre de Panaït Istrati et à portée autobiographique. L'ouvrage témoigne de la jeunesse difficile de l'auteur dans un village reculé de Roumanie, alors que sa mère était très malade. Pourtant, celle-ci veut que son fils soit toujours impeccable de la tête aux pieds (même ses souliers sont cirés). Si Codine est une âme tourmentée, sa rencontre avec Adrien va faire de lui un homme nouveau et il va prendre la responsabilité de ce petit garçon qui n'a jamais connu son père (ce dernier a été tué par les gardes-côtes alors qu'il n'était encore qu'un bébé). Ce n'était pourtant par une relation père-fils qui se met en place, mais de frères de sang. Ce récit populaire évite le faux sentiment et le spectacle pittoresque inutile, et alterne naturellement entre l'humour et le drame qui finissent par se fondre l'un dans l'autre. Le scénario de Jacques Baujard permet de mieux découvrir l'écrivain francophone d'origine roumaine dont les écrits ont longtemps été interdits en URSS. Le dessin de Simon Géliot est en accord avec son sujet, avec un trait expressioniste très réussi et qui met efficacement en valeur les sentiments et émotions des personnages.