Une femme flotte inconsciente dans la mer. Elle est retrouvée par des Vikings à la recherche de Jotunheim, le royaume des géants. La femme s'appelle Vei et elle se retrouve bientôt mêlée à un jeu sanglant entre géants, asgardes et humains. Vei est à première vue un conte héroïque classique, les dieux intriguent entre eux, les humains sont utilisés comme des pions et Vei est l'un d'entre eux. Elle est aussi une guerrière habile, une joueuse intelligente. Sous la surface, il y a tellement plus. Il y a des problèmes de société, du sang, du sexe et du chagrin, de la résignation, de la lutte pour la survie et de la soif de vivre. Vei est un personnage particulier, sa dualité, sa façon d'être humaine n'est pas traditionnelle. En parallèle, nous retrouvons les dieux ambigus de Jotunheimen, l'androgynie qui est en quelque sorte juste là et qui ne devrait pas être commentée. Vei dans son ensemble est une création merveilleuse. C'est une grande, belle, cruelle et terrible histoire de soif de pouvoir, de cupidité et de trahison. Pourtant, au fond, il s'agit d'une histoire d'amour et de moyens de surmonter les situations les plus difficiles.

Beaucoup de gens font leur propre interprétation des mythes nordiques et des contes de dieux à travers différents types d'histoires, Sara Bergmark Elfgren et Karl Johnson le font mieux quand ils laissent les mythes devenir une partie de quelque chose en quoi nous pouvons croire, au-delà de la magie et des tours divins. La deuxième partie du livre (qui correspond en réalité au tome 2 de la série, seule la France dispose d'une édition intégrale) est d'une tristesse déchirante et d'une cruauté sans nom, mais il porte aussi d'autres choses, des lueurs de lumière et une sorte d'espoir. C'est un beau récit en tant que tel, mais il est aussi appréciable pour le courage d'interprétation et la liberté créative que la trame met au défi et inspire. Ici, Sara Bergmark Elfgren et Karl Johnsson ont vraiment réussi à donner vie aux contes de fées et à faire aussi quelque chose de nouveau et d'unique.