Autrefois, Jack Delroy (David Dastmalchian) s'était mis en tête de concurrencer Johnny Carson, l'animateur de talk-show le plus populaire des Etats-Unis, avec son talk-show « Night Owls ». Puis le décès de sa femme Madeleine (Georgina Haig) a fait perdre pied à l'animateur. Après une longue période d'absence, il revient à l'écran le soir d'Halloween 1977 avec une émission thématiquement adaptée à la nuit de l'horreur. Dans sa lutte pour le meilleur taux d'audience, Delroy accueille, avec son sidekick Gus McConnell (Rhys Auteri), la médium Christou (Fayssal Bazzi) ainsi que la parapsychologue June Ross-Mitchell (Laura Gordon) et sa patiente Lilly (Ingrid Torelli), qui a échappé à une secte sataniste. Dernier invité de cette illustre assemblée, Carmichael Haig (Ian Bliss), converti de magicien en sceptique, tente de démontrer que les phénomènes présentés en direct ne sont que des impostures.

Les frères australiens Colin et Cameron Cairnes sont passés jusqu'à présent sous le radar avec leurs films d'horreur. Ni « 100 Bloody Acres » (2012) ni « Scare Campaign » (2017) ne sont sortis dans les salles de cinéma françaises (mais ont au moins été présentés dans des festivals du genre). Dans leur dernier film, tous les voyants sont allumés. Après une tournée des festivals de cinéma à travers le monde et avec beaucoup d'éloges dans ses bagages, tous les fans d'horreur auront « Late Night with the Devil » sur leur écran lors de sa sortie en vidéo. Et ce n'est pas trop promettre que de constater que cette petite perle du genre a tout pour devenir un film culte. Avec un grand souci du détail, les frères Cairnes font revivre une soirée télévisée de 1977 sous les yeux du public de cinéma. Des inscriptions du talk-show aux décors et au mobilier, en passant par les vêtements et les coiffures de tous les participants, tout semble directement tiré de l'époque de l'action. Même si « Late Night with the Devil » n'atteint pas la perfection de « The Holdovers » (2023) en ce qui concerne l'imitation d'une couleur d'époque, on pourrait aussi avoir l'impression qu'il s'agit réellement d'un produit des années 1970. Cela s'explique notamment par le fait que les Australiens font précéder l'intrigue proprement dite d'une fausse partie documentaire, conçue avec autant d'amour, qui prétend que les terribles événements ont été diffusés exactement comme ils l'ont été - et ont traumatisé toute une nation en temps réel devant son écran de télévision. « Late Night with the Devil » est toutefois plus qu'une belle enveloppe. Le scénario des frères parvient également à la remplir d'un contenu convaincant. Les Cairnes y reprennent habilement le boom du mentalisme et de l'occultisme de ces années-là et le mélangent avec le boom des films d'horreur issus de ce même esprit du temps et vice-versa. Truffé de références au cinéma et à la télévision, du « Tonight Show » avec Johnny Carson à « L'Exorciste » (1973) en passant par « Rosemaries Baby » (1968), « Late Night with the Devil » ne devient jamais une simple citation cinématographique, car les frères savent raconter une histoire indépendante et captivante. Dans celle-ci, ils tournent minutieusement la vis de l'escalade, qui est notamment due à la pression de l'audimat et contient donc aussi implicitement une critique des médias, jusqu'à ce que la tension accumulée soit déchargée dans un final furieux. Ce qui est génial, c'est que les cinéastes laissent longtemps leur public en suspens pour savoir s'il peut en croire ses yeux. Avec clairvoyance, ils ont ajouté à leur intrigue un sceptique qui, en tant que représentant du public, remet en question les phénomènes présentés. Son interprète, Ian Bliss, fait un travail aussi formidable que le reste de la troupe. L'acteur principal David Dastmalchian (« Dune », « Oppenheimer »), qui interprète le présentateur Jack Delroy, livre l'une des meilleures performances de sa carrière, si ce n'est la meilleure.