La voie du tablier (Gokushufudo) est une série toujours en cours de parution au Japon et qui a connu dix-sept tomes à ce jour aux éditions Shinchosha. Tatsu est un ancien yakuza qui a renoncé à la violence pour devenir un honnête homme. Également connu comme le légendaire "Tatsu l'immortel", il a déjà vaincu un clan adverse à lui tout seul et à mains nues, mais il est à présent devenu un mari au foyer idéal, qui prépare très souvent les repas avec un tantô, et porte parfois un drôle d'attaché-case lorsqu'il sort. Sa femme Miku s'avère très carriériste et exerce un travail de designer. Elle a rencontré Tatsu dans des circonstances imprévues et l'a rapidement épousé. C'est une grande fan de l'anime "Crime Catch PoliCure" et elle peut être un peu enfantine durant son temps libre. Mais malgré son tablier, il ne faut pas trop chercher Tatsu qui se fera un grand plaisir de venir en aide à ses anciens collègues !

Ce volume comprend les chapitres 127 à 135, ainsi que quelques histoires annexes ajoutées en bonus, complétant ainsi des volumes divertissants jusqu'à la toute dernière case. Le tome 15 conserve la formule qui a fait de cette comédie l'une des plus appréciées du public : un humour absurde, des situations du quotidien exagérées à l'extrême et des personnages qui, même s'ils ont tourné le dos au crime organisé, continuent de vivre comme s'ils étaient en pleine période de règlement de comptes. Ce nouvel opus regorge d'épisodes mémorables qui, sans s'éloigner du format habituel des histoires indépendantes, offrent de nouveaux éléments, une continuité et même de nouvelles relations entre les personnages. Le volume s'ouvre sur une histoire des plus extravagantes : Tatsu aide son vieil ami, un ancien yakuza qui tient une crêperie, à sauver son commerce en se déguisant en mascotte. La situation bascule du ridicule à l'hilarant lorsqu'ils se retrouvent à participer à une sorte de « duel de mascottes » en pleine rue, attirant les foules avec leurs chorégraphies improbables et leurs gestes aussi théâtraux qu'attachants. Oono démontre une fois de plus sa maîtrise de l'humour physique, utilisant le langage corporel et les réactions exagérées des personnages pour déclencher des rires page après page. Un autre moment fort de ce volume est le pique-nique qui réunit le groupe Shinzaki, dissous depuis plusieurs années. À leur insu, ils se retrouvent à partager un repas avec plusieurs fantômes, dont celui de Takeyama, le frère défunt de Tatsu. Cette scène, qui mêle le surnaturel au quotidien, illustre parfaitement l'équilibre subtil de la série entre l'absurde et le touchant. À travers ce rassemblement des vivants et des morts, Oono renforce les liens entre ses personnages sans tomber dans le sentimentalisme, tout en laissant place à des moments surréalistes et à des gags visuels qui enrichissent l'expérience de lecture. La comédie atteint son paroxysme lorsque Tatsu accompagne sa voisine Yurika chez un marchand de légumes bon marché. La scène est construite comme une livraison de drogue clandestine, avec tout le langage et la tension d'une opération mafieuse… mais appliquée aux produits frais. C'est une parodie désarmante qui joue avec les attentes du lecteur quant à ce qu'est un « marché noir » et pousse la vision du monde de Tatsu à l'extrême. Quelques épisodes plus tard, cette quête culinaire nous plonge dans l'univers interlope des cornichons gastronomiques. Tatsu et sa femme se retrouvent pris dans un circuit clandestin pour se procurer les meilleurs cornichons, comme s'il s'agissait d'armes précieuses ou d'antiquités. L'idée que même les aliments les plus simples puissent faire partie du monde criminel renforce le ton parodique qui caractérise Gokushufudo . La partie la plus touchante et divertissante du volume est sans conteste l'histoire d'An, la petite-fille de l'ancien chef du clan Shinzaki. Cette fois-ci, toute la bande l'accompagne à la plage pour une partie de pêche aux palourdes. Elle y rencontre Toma, le petit-fils d'un autre clan yakuza, venu lui aussi faire la même chose avec sa propre bande. Ce qui aurait pu être une simple activité estivale se transforme en une compétition enfantine pleine de tension, de fierté et de stratégie, un reflet miniature du monde adulte. Ce lien inattendu entre An et Toma se poursuit dans un autre épisode, où ils visitent un café coopératif Policure avec leurs accompagnateurs. Oono transforme ce qui aurait pu être une scène anodine en une nouvelle occasion de rire et de s'attacher à la nouvelle génération de personnages, laissant entrevoir la possibilité que ces enfants deviennent de futurs protagonistes. Ce volume consacre également une place à Miku, l'épouse de Tatsu, qui demeure l'une des plus grandes sources de normalité dans la vie du protagoniste. À travers des scènes simples mais efficaces, on découvre comment leur relation se maintient grâce à la complicité, au respect mutuel et, bien sûr, aux situations absurdes que Tatsu ne cesse de créer. Qu'il s'agisse de partir à la recherche de cornichons introuvables ou de l'aider dans les tâches ménagères, chaque moment passé ensemble réaffirme la tendresse qui sous-tend cette série, dissimulée derrière sa façade de comédie yakuza. Graphiquement, Kousuke Oono déploie un style épuré, percutant et d'une grande expressivité. Les compositions visuelles favorisent une lecture rapide et renforcent l'impact des gags, notamment grâce aux brusques changements d'expression qui caractérisent Tatsu. Malgré sa structure fragmentée, le récit se lit avec fluidité et offre une grande variété de décors et de personnages qui enrichissent l'univers de la série.