2015, Detroit, MI. Alors que la ville est en pleine faillite et qu'elle se vide de ses habitants, Becki et Summer prennent la route vers le sud dans un roadtrip exutoire et salutaire. Durant le voyage, les 2 amies croisent l'Amérique profonde et terre à terre qui leur libère la parole et l'esprit. Un voyage qui va leur permettre, rétrospectivement, de se découvrir l'une l'autre, leurs liens et leur passé qui les ont jetées sur la route.

Même si le sujet principal du récit de Boni n'est pas le roadtrip en lui-même mais l'effet introspectif qu'il a sur ces deux jeunes femmes, on en découvre beaucoup dans le portrait qu'il en fait en creux durant toute leur aventure routière. La narration se partage (avec de nombreux allers-retours) entre l'aventure sur la route et la vie compliquée à Detroit dans une ville en ruines sociétale et morale. La fracture humaine est palpable mais finalement, bien que dur, le récit est abordé avec un ton relativement positif bien que fataliste. Detroit Roma est un album qui marie avec brio récit graphique et poésie urbaine. Dans un esprit Thelma & Louise assumé, le dessin d'Elene Usdin fait la part belle aux planches contemplatives avec les grands espaces américains, les plans en ruines de Detroit ou les malls et autres motels écrasés par le soleil. Il y a aussi les dessins de portraits dessinés par le personnage de Becki (par Boni) ou les plans de classiques du cinéma qui entrecoupent savamment le récit. Les planches captent l’âme de ces univers avec un style à la fois réaliste et onirique. Les contrastes entre ombres et lumières, entre mouvements et silences, donnent une profondeur saisissante à cette œuvre. Le récit parle par ses images : une invitation à ressentir plutôt qu’à simplement lire. Cet album s’adresse autant aux amateurs de bande dessinée qu’aux passionnés de récits visuels expérimentaux. Une pépite à découvrir pour ceux qui aiment les histoires sans frontières.