Le Congrès
Plate-forme : DVD
Date de sortie : 08 Avril 2014
Résumé | Test Complet
Editeur :
Développeur :
Genre :
film
Multijoueur :
Non
Jouable via Internet :
Non
Test par

Nic007


8/10

Réalisé par Ari Folman.

Robin Wright (que joue Robin Wright), se voit proposer par la Miramount d'être scannée. Son alias pourra ainsi être librement exploité dans tous les films que la major compagnie hollywoodienne décidera de tourner, même les plus commerciaux, ceux qu'elle avait jusque-là refusés. Pendant 20 ans, elle doit disparaître et reviendra comme invitée d'honneur du Congrès Miramount-Nagasaki dans un monde transformé et aux apparences fantastiques...

Avec « Le Congrès», Folman invente une fiction d'une sophistication folle, une métaphore délirante et des détours gigantesques, esthétiques politiques et sociologiques par l'animation et une fable à la J.G. Ballard pour raconter une petite chose simple, chétive et tendre. Cette disproportion de l'intention comparée au propos devient en elle-même émouvante, l'obésité de l'une camouflant pour mieux la protéger l'intime de l'autre. C'est l'histoire d'une mère qui est aussi une actrice : elle a peur. Peur de vieillir puis de mourir, et peur de ne jamais revoir son fils, qui s'éloigne chaque jour un peu plus, dans l'espace et dans le temps (futur) où le monde est scindé entre ceux qui ont les moyens de vivre dans l'illusion et les autres qui doivent se contenter d'errer dans un camp de réfugiés à ciel ouvert comme purgatoire. L'inexorable dans tout cela : mère et fils sont faits pour s'éloigner chaque jour un peu plus. Jamais un film (sauf peut-être « Puissance de la parole » de Godard), a fortiori d'animation, n'aura convoqué autant de sources d'inspirations, aussi diverses (divergentes) : Satoshi Kon et les frères Fleischer, Magritte et Tex Avery (surtout « Page Miss Glory »), Pixar et le « Le Jardin des délices » de Bosch, Disneyland et Tarkovski, entre autres. La source et l'embouchure de ces ruisseaux d'images sont le réel, un réel fantomatique, évanescent, baigné d'une lumière californienne qui embaume déjà les visages dans les scènes aux studios de Miramount, qui ne sont déjà plus que l'écho d'une splendeur passée. Rarement sensation que le temps s'effrite en détruisant tout n'aura été rendue avec un si grand luxe de précautions plastiques, de litotes visuelles, de digressions narratives : c'est la scène du scan de Robin Wright, démarrant sur une anecdote malhabile de l'agent (Harvey Keitel, dans un équilibre improbable entre l'histrion et l'understatement) pour s'achever dans des torrents d'émotions de la comédienne cristallisés sous la glace électronique des pixels, la cruauté nue des flashes qui crépitent et les crescendos lents de Max Richter. Les larmes ne sont jamais aussi douloureuses que lorsqu'on les sent monter lentement, et la patience de la mise en scène de Folman à temporiser et installer chaque séquence laisse pantois tant un tel classicisme semblait depuis des générations disparu. Livrer une telle humanité écorchée à des machines muettes, voilà une définition de l'enfer.

C'est ce qui rend le personnage de l’impresario joué par Keitel (le seul à ne pas avoir d'équivalent dans la seconde moitié du film) si vibrant, ce « tû » qui le meut d'amour pour cette femme. Folman se révèle un grand directeur d'acteurs, et un cinéaste gourmand de leurs visages de chair et de sang, d'une infinie délicatesse lorsqu'il s'agit de creuser quelques plans-tombeaux où les gloires usées (Wright, Keitel, Giamatti) viennent déposer leurs traits fatigués, troublants comme jamais. En cela le film est aussi une offrande faite à sa comédienne : Robin Wright comprend tout, intègre tout, et ne donne que l'essence ; à son tour Folman lui rend au centuple en inscrivant son rôle de mère parmi les plus beaux de l'histoire du cinéma. Le cinéaste, au sens plein du terme, avance à pas tellement assurés qu'il se permet dans le dernier acte un raccord inouï, digne de « Nuit et Brouillard » de Resnais et le rappelant assurément, entre le passage en animation et le retour au réel, changeant une foule d'un cocktail mondain en une file de réfugiés, prolongé dans quelques travellings avant traumatisants. L'essence du film reste poétique et sa raison d'être fabulatoire, et Folman à l'intelligence de ne jamais pointer les événements de l'Histoire dont il s'inspire en restant au niveau du conte, se réservant une porte d'accès directe au mythe. « Le Congrès » est surtout un film sur la condition de l'actrice, les conditions qui font d'une femme une actrice, et c'est le plus beau sur ce sujet avec « All About Eve » de Mankiewicz, « Femmes, Femmes » de Vecchiali, « Inland Empire » de Lynch et la première moitié de « La Frontière de l'Aube » de Garrel.  Dans un univers qui n'est plus que le fac-similé de lui-même, saturé d'hallucinations, Robin Wright et Folman à sa suite courent après les miettes de la vérité, et découvrent de concert qu'elles ne se résument au final qu'à un seul regard figé sur le son d'un cœur qui s'arrête de battre.

VERDICT

-

Un film absolument fascinant, porté par une narration complexe où l'on peut parfois se sentir perdu... Mélangeant film d'animation et prises de vues réelles, le film se veut une réflexion sur l'avenir du cinéma et de la société. Embrassant plein de thèmes, il faudra certainement plusieurs lectures pour saisir toute la profondeur du film. L'émotion n'est pas en reste avec des scènes magiques (le scan de Robin Wright) qui bouleversent. Du très grand cinéma.

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