Le film s'inspire librement de faits réels concernant Bernard Wesphael et sa femme Véronique Pirotton. Cette dernière a été retrouvée morte à Ostende en 2013. Près de trois ans plus tard, l'homme politique a été acquitté parce que des doutes raisonnables subsistaient quant à sa culpabilité ou non. Dans L'Ennemi, le personnage incarné par Jérémie Renier s'appelle Louis Durieux. Maeva (Alma Jodorowsky) est sa femme. Elle est journaliste radio. Lorsqu'elle monte sur une terrasse, il s'approche d'elle. Il dit qu'elle est la femme de sa vie avec qui il sera toujours. Ce qui rend L'Ennemi si fort, c'est qu'il est désorientant. Streker, par exemple, opte pour des scènes différentes que l'on peut revoir, mais légèrement différentes. Qu'est-ce que la réalité ? Qu'est-ce qu'une hallucination/cauchemar ? Le travail de la caméra est lumineux : beaucoup de lumière est dirigée vers le spectateur, caractéristique de la mer, et du ciel ouvert qui la crée. Mais aussi dans les scènes d'intérieur, on pense par exemple au bar où Louis et Maeva boivent plusieurs verres ou au casino, où le réalisateur opte pour une coloration profonde et saturée. Il joue souvent avec le contraste du plein rouge chaud et du bleu nuit. Il contraste cela avec des images en noir et blanc beaucoup plus plates de ce que les caméras de sécurité enregistrent. Mais ils donnent également des résultats différents en termes de contenu.

Maeva a-t-elle vraiment disparu depuis un moment ? Louis a-t-il appelé l'ambulance lui-même avec son smartphone ou est-il descendu dans le hall pour paniquer Dirk (Peter Van Den Begin), employé de l'hôtel, afin qu'il appelle la police lorsqu'il a vu sa femme morte ? Et comment la femme est-elle morte ? Dans la salle de bain après une overdose de drogue (indiquant un suicide) avec un sac plastique sur la tête ? Avec le sac plastique à proximité ? Ou a-t-elle été retrouvée allongée sur le ventre dans son lit ? Est-ce un meurtre ou un suicide ? En tant que spectateur, on voit Sam Louwyck, Peter Van Den Begin, Jeroen Perceval et Bruno Vanden Broecke dans des seconds rôles, et vous faites partie du cerveau confus du personnage principal qui avait eu des problème avec sa femme la veille de sa mort. Les deux avaient une relation intensément passionnée, qui à son tour correspond parfaitement à la chanson de Nat King Cole, You Call it Madness (but I Call it Love). Le fait qu'il ait du mal à tout reconstruire lui-même est dû à une combinaison d'avoir volé dans les esprits et d'avoir découvert l'expérience traumatisante de son corps. Streker combine ce fait avec le symbolisme de James Ensor. De ce fait, il établit non seulement un lien avec Ostende, mais aussi avec cet artiste, connu entre autres pour ses masques. Louis portera un tel masque à la fin du film, tout comme le couple le fera avant lors de sa visite à la Maison James Ensor. Le réalisateur renvoie ainsi le spectateur chez lui avec la question de savoir si oui ou non un meurtre est masqué ici ou non. Une image finale forte d'un film tout aussi fort.