Tout au long de 160 pages, March propose une histoire fantastique et mystérieuse qui se déroule à Palma de Majorque, avec des dimensions parallèles, de l'introspection, une romance qui ne se réalise pas et un suicide qui, dans l'une d'entre elles, est un meurtre (ou l'inverse). Le protagoniste insolite est Karmen, la fille aux cheveux roses et aux mèches rouges, habillée en squelette. Que fait Karmen dans cette salle de bains où Catalina vient de s'ouvrir les veines ? Quels secrets recèle ce moment suspendu entre la vie et la mort ?

Tout le monde devrait lire Karmen de Guillem March. D'abord parce qu'il s'agit d'une démonstration de la maîtrise absolue du dessin, non seulement de la figure féminine si présente dans ses œuvres, mais aussi des fonds. L'histoire se déroule de nos jours à Palma de Majorque et les décors sont si sublimes que le nu féminin devient anecdotique. Nous voyons dans les personnages de Karmen une expressivité qui nous est inconnue dans la carrière de Guillem. De plus, le récit est incroyable, surtout dans la première moitié de la bande dessinée où Guillem se recrée et invente des structures de vignettes impossibles et les fait fonctionner ! Cette première partie est une vraie merveille. Et que dire du scénario : exquis. Un traitement métaphysique sur le karma mais où l'auteur invente toute une fantaisie de personnages et de hiérarchies qui vous rattrape jusqu'au bout. En tant que cinéphile, son traitement nous rappelle beaucoup "Le septième sceau" (1957) d'Ingmar Bergman. Nous parlerions bien davantage du scénario, mais ce serait divulgâcher l'expérience.