Sur la base d'un scénario de John Ridley - une adaptation de son roman "Stray Dogs", qui est aussi le titre original de ce film - Oliver Stone a réuni un casting de choc qui fait son travail de manière convaincante. Asseyez-vous et détendez-vous : Sean Penn dans le rôle de l'anti-héros, Jennifer Lopez dans celui de la femme fatale, Nick Nolte dans celui du (beau) père en colère, Billy Bob Thornton dans celui de l'idiot du village, Powers Boothe dans celui du shérif corrompu, Joaquin Phoenix dans celui du plouc, Claire Danes dans celui de l'équivalent féminin et Jon Voight dans celui du mendiant indien. Ce n'est pas exagéré, car chacun connaît sa place. C'est tout à l'honneur de Stone et des siens que, sans thème majeur, il réalise quand même un film avec classe. Surtout le travail de la caméra, que l'on peut même voir sur un petit écran de télévision : images hallucinantes lorsque la catastrophe survient ; plans de face en contre-plongée et contre le soleil : du film noir...

En tant que thriller ordinaire, ce film est en fait invendable. Parce que tout tourne autour de la "malchance" - peut-être un peu trop - même la fin du film est sacrifiée pour cela. Stone vous met sur la mauvaise voie. Les éléments du road movie, du rire ou du tir, de la parodie et du thriller s'entremêlent constamment ; si vous pensez que le film se termine comme un thriller, vous serez déçu. L'histoire compliquée de Grace et Jake aurait peut-être mérité un peu plus d'attention, mais ce n'était pas l'intention de Stone. "U Turn" est un sandwich d'humour élégant entre les repas dramatiques chauds. Néanmoins, les personnages dramatiques de ce film sont interprétés de manière convaincante par Lopez et Nolte ; on rit du couple d'adolescents Phoenix et Danes et on admire le mécanicien automobile Thornton, qui n'a qu'à être dans le film pour le faire, qu'il soit en pantalon ou qu'il change des durites de radiateur avec des lunettes de natation. Sean Penn est le touche-à-tout de ce film : héros romantique, méchant, loser, pleurnichard, bagarreur et citadin arrogant. Au passage, Stone souligne la fascination américaine pour la famille et la race. Et la fascination pour les voitures. C'est une Mustang de 64", s'écrie un Bobby effrayé lorsque le mécanicien bizarre veut démonter sa décapotable classique.