Dans Bons baisers de Limón, le dessinateur costaricien Edo Brenes utilise la beauté naturelle de son pays comme toile de fond à l'enquête de Ramiro sur son histoire familiale, provoquée par la découverte par sa mère d'une boîte de vieilles photographies datant du début des années 1940. Il s'agit d'une approche exotique, car il y a fort à parier que même les lecteurs capables de reconnaître le Costa Rica sur une carte n'ont qu'une vague idée de ses régions et de sa culture sociale. Accompagné de photographies pour susciter des souvenirs, Ramiro interroge les personnes, aujourd'hui beaucoup plus âgées, qui sont représentées. On ne sait jamais vraiment s'il s'agit d'un récit biographique ou fictif, mais le fait de noter à la fin qu'une personne est décédée trois semaines après avoir été interviewée laisse penser qu'il s'agit d'un récit biographique, Ramon remplaçant Brenes. Quoi qu'il en soit, Brenes apporte une certaine authenticité en utilisant constamment des illustrations de photographies ou en dessinant les siennes dans ce style. Elles sont en grande partie posées, mais certaines sont prises sur le vif, montrant des personnes s'amusant dans le passé, et elles sont très joliment colorées dans des tons pastel subtils. Les relations familiales sont complexes et, bien qu'aucun nom ne soit répété, l'inclusion d'un arbre généalogique à mi-parcours est bienvenue. La mise en valeur des personnes interrogées est une touche attentionnée, tout comme l'utilisation de scripts différents pour les dialogues de chaque personne.

Peut-être devrait-on s'attendre à un travail raffiné, puisque Brenes a remporté le prix de la nouvelle graphique 2019 de l'Observer avec une partie de ce qui est présenté ici, mais l'extension de ce travail à un roman graphique complet a entièrement fonctionné. En essayant de transmettre les rythmes de conversations tranquilles, beaucoup de sujets sont ordinaires, et de nombreux récits sont inclus comme répétés par différentes personnes. La répétition montre différentes perspectives, ce qui permet des les justifier. Ramiro apprend comment les circonstances et les relations changent, et finit par faire une révélation clé. Les interviews sont séparées par une série d'interludes chronologiques situés dans le passé, où les personnages parlent d'eux-mêmes depuis leur adolescence, avec Rosario, la grand-mère de Ramiro, Virgilio, son grand-père, et Osvaldo, le frère aîné de ce dernier. C'est l'essence de l'histoire que raconte Brenes, une tragédie à certains égards, qui se termine par une visite à Osvaldo, 95 ans, atteint de démence. Il confond passé et présent, mais lorsqu'on le voit regarder une photo de Rosario et dire "Il n'y a personne au monde que j'adore plus qu'elle", on ressent une profonde tristesse. La vis de la tristesse sincère est tournée encore plus loin par une découverte fortuite.