Road 96
Plate-forme : PlayStation 5 - Nintendo Switch
Date de sortie : 15 Avril 2022
Résumé | Test Complet
Editeur :
Développeur :
Genre :
Action/Aventure
Multijoueur :
Non
Jouable via Internet :
Non
Test par

Nic007


8/10

Trace ta route en stop jusqu’à la liberté dans ce road trip procédural délirant. Personne ne prend la même route !

On the road again.

Les esprits créatifs à l'origine de 11-11 Memories Retold et Valiant Hearts ont créé Road 96, une aventure sur la route de l'évasion, de la liberté et de la révolution. La route 96 est la route la plus importante de Petria. Et non pas parce que les actes et les paroles de toute une génération d'artistes ont été prononcés le long de ses kilomètres d'asphalte, mais plutôt parce que c'est le seul qui pointe vers le col du Mur, le seul point de la frontière ouvert aux véhicules commerciaux, mais pas aux personnes. Tyrak, officiellement premier ministre mais en fait dictateur de la nation, a en effet rendu la sortie du pays illégale en réponse aux nombreuses protestations qui se sont abattues sur lui à l'approche des prochaines élections. Cette mesure n'a toutefois pas empêché la disparition progressive de jeunes adolescents qui touche le pays depuis des semaines. Road 96 est aussi le titre d'une expérience narrative ambitieuse (et réussie, disons-le tout de suite) de Digixart qui nous fait remonter le temps, au cours du chaud été de juin 1996, sur les routes de la Petria imaginaire, mais plutôt réaliste. Caractérisé par des couleurs vives et des décors où alternent le rouge de la terre et le vert du feuillage des arbres, on respire immédiatement dans Road 96 un peu de l'atmosphère de Firewatch, traversée ici et là par d'autres déclinaisons de l'aventure moderne. Avec le calme de quelqu'un qui apprécie le voyage sans être obsédé par la destination, Road 96 démarre lentement, en douceur. Nous sommes à quelques milliers de kilomètres de la frontière, assis dans un bus délabré, et Alex est assis non loin de nous. Il n'est guère plus qu'un enfant et il travaille inlassablement sur le mini-ordinateur portable posé sur ses petites jambes. Mais il en sait beaucoup, non seulement sur les PC, mais aussi sur ce qui se passe dans le coin, du sénateur Florres, l'adversaire de Tyrak, qui a été radié, aux Brigades noires, le groupe accusé d'une attaque brutale dix ans plus tôt.

Alex n'est que le premier de nos compagnons de route plus ou moins conscients. Il y aura la belle Zoe, avec son disco des années 90; Sonya, la présentatrice de la FOX News locale; Fanny, la charmante policière et John, le gros camionneur qui a des problèmes cardiaques. Il y aussi Mitch et Stan, un couple de cinglés, mais aussi de voleurs, et de ce psychopathe qui conduisait un taxi et qui a failli nous empêcher d'atteindre la frontière et le prochain épisode. Cette fois, ce n'est plus la question à l'écran ("Quel genre de voyageur êtes-vous ?") qui nous accueille, mais la stridente Sonya avec ses nouvelles du gouvernement. Avec un destin terminé, nous en avons un autre sur les bras : les adolescents de Petria qui ont quitté la maison à la recherche de meilleures fortunes ne sont pas peu nombreux, et nous ne sommes pas seulement l'un d'entre eux, mais tous. Les mêmes visages apparaissent toujours sur les routes chaudes qui mènent à la route 96, mais avec quelque chose de différent à nous dire, différents jours à différents moments. C'est là que Road 96 s'éloigne de ses inspirations plus linéaires et entre dans le territoire où les histoires deviennent procédurales. Chaque poignée de kilomètres parcourus à pied, en bus ou je ne sais comment en compagnie de quelqu'un devient une pièce de puzzle prise au hasard dans la boîte, reliée plus ou moins directement à toutes les autres pièces. Il ne s'agit pas d'un simple exercice de style, et si l'ordre des additions ne change pas à lui seul le résultat, chaque décision prise en cours de route le fait. Des plus petites, qui influent sur la quantité de monnaie dans nos poches ou sur les objets sur lesquels nous pouvons compter (et qui se reportent sur la manche suivante), aux plus lourdes, signalées à l'écran par le jeu, qui modifient le cours général des événements vers l'une des trois forces motrices de la disparition des adolescents : la fuite, la révolution et le changement démocratique. Pendant ce temps, les vies que nous sommes appelés à vivre s'additionnent, les histoires de Zoe, John, Fanny et de tous les autres sont complétées, et le puzzle peut enfin être vu dans son intégralité.

Une réalisation élégante.

Doté d'une écriture remarquable, soutenu par une bande-son 90s intelligente et un doublage anglais remaquable, Road 96 assemble des morceaux d'histoires comme on joue aux cartes, réussissant ce que beaucoup d'autres jeux similaires n'ont pas réussi à faire : vous faire ressentir le poids des choix. Non seulement en raison des liens qui relient chaque scène (comme dans l'excellent épisode des Simpsons 22 Short Films About Springfield, ou Crash de Cronenberg si vous préférez donner le ton), mais aussi parce que de petits détails, comme dix dollars de plus ou de moins dans votre poche, ou une barre de santé suffisamment chargée, peuvent faire toute la différence au moment où vous vous y attendez le moins. Pourquoi n'avez-pas fait cette sieste ? Est-ce que ça valait la peine d'acheter cette barre chocolatée ? Des moments triviaux qui deviennent des carrefours existentiels. Road 96 réussit à raconter une grande, grande histoire d'actualité sur des problèmes énormes, et le fait à travers un microcosme de micro-histoires, des fragments de vies qui se croisent, se frôlent, se disent bonjour et reviennent. Un effort réalisé par une équipe somme toute réduite, composée d'une quinzaine de personnes, mais qui n'a pas non plus négligé l'aspect technique. Petria est représentée par un ombrage cel coloré, peut-être idéal pour couvrir certaines limites, mais incontestablement efficace pour mettre en scène à la fois des personnages fortement caractérisés et des paysages doux et accueillants, où le regard peut errer librement par la fenêtre, tandis que l'asphalte coule sous les roues. Certes, le portage PS5 n'apporrte pas grand chose de nouveau (hormis des chargements plus rapides et une résolution plus élevée), mais Road 96 a conservé intact toutes ses qualités.

VERDICT

-

Il faut admettre que Road 96 a été une surprise. Après les premières minutes, le jeu nous a donné l'impression d'être l'une des nombreuses aventures narratives qui sont sorties ces dernières années, bien écrites certes, mais sans particularité capable de le faire sortir du lot. Au contraire, sa formule basée sur la répétition des chemins et sur la nature procédurale des rencontres s'est avérée être une grande force, capable d'ajouter de la profondeur au jeu et de le distinguer de ses prédécesseurs valides. Et c'est le jeu d'été parfait : une bonne chanson à la radio, un bras par la fenêtre et un avenir de choix à l'horizon.

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