Voilà certainement une des propositions SF les plus intéressantes de ces dernières années... Avec ce second cycle, Fred Duval poursuit sa fable d'anticipation écologique et sociale, tant riche visuellement que philosophiquement... Cela fait maintenant 20 ans que Satie et Swann, un couple de scientifiques originaires de la lointaine planète Nakan, vivent sur Terre. Tous les deux participent au projet Renaissance, né d'une coalition extraterrestre formée dans le but de sauver la planète bleue d'un désastre écologique imminent. Conçue pour durer au minimum 300 ans, la présence alien à travers le globe ne fait pourtant pas que des adeptes. Tandis que la menace indépendantiste gronde, les intrigues géopolitiques se multiplient. Terrorisme, xénophobie, écologie, technologie, politique. Autant de pistes de réflexion pour une série visuellement grandiose bien que clivante.

Ce premier tome s’ouvre sur des questions aussi fascinantes que complexes. Quand deux civilisations se rencontrent ou se combattent, faut-il adopter un point de vue romain (conquête, assimilation progressive parfois réciproque, avec maintien (ou non) de la plupart des libertés), préférer l’approche conquistadors (remise à zéro involontaire), privilégier une approche chirurgicale (intervention limitée dans le temps sans intention de s’installer), ou bien une occupation franche avec fusion des peuples pour n’en faire qu’un seul et unique (grand projet d’Alexandre le Grand) ? La seule vraie question consistant à déterminer qui pilote le vaisseau, en particulier quand une sorte d'ONU intergalactique considère les Terriens comme des clochards de l’espace, incapables de s’auto-gérer. Fred Duval cultive les points de vue allant jusqu’à ironiquement nommer un "résistant" patagonien, Cortès. Toutes les opinions exposées ne sont pas forcément éloignées les unes des autres, mais divergent dans leur approche. Le lecteur s’amuse ainsi de constater que ce qui est clairement présenté comme un pillage culturel (colosse de Rhodes) peut également s’apparenter avec les aléas historiques, à un sauvetage culturel. Les Bouddhas de Bamyian auraient certainement préféré subir le sort des frises du Parthénon plutôt que le leur. Quant au colosse, statue-phare monumentale, il avait sans doute des jambes jointes comme la statue de la Liberté : dans une zone sismique, peu de chance qu’il tienne longtemps debout les jambes écartées ! Le trait d’Emem fusionne magnifiquement les architectures aliens avec celles de la Terre. Dépaysement assuré.