Vers la fin du XIXe siècle, le faible taux de natalité de la France a encouragé une immigration massive - Polonais, Italiens, Espagnols, Belges sont venus y chercher du travail. Dans la plupart des cas, les nouveaux venus acceptent des emplois que les Français refusent, mais cela n'élimine pas les conflits. "De sel et de sang" est l'histoire du plus sanglant de ces conflits - celui de 1893, à Aigues-Mortes, où les Italiens employés dans les salines ont été traqués comme des animaux et chassés de la ville par la foule haineuse. Le bilan de cette guerre xénophobe ? Dix morts et des dizaines de blessés...

S'appuyant sur les documents d'époque, Frédéric Paronuzzi et Vincent Djinda construisent une version plausible des faits dans un roman graphique impressionnant, dur et cruel, à la logique impitoyable. Au-delà des mots et des images, le dossier historique du fin de l’album expose les ressorts cachés de cette tragédie et liste la bibliographie sur laquelle les auteurs se sont appuyés pour leur récit. Les auteurs s’emparent librement de ces faits réels (qui ont une troublante résonance avec le monde d’aujourd’hui) et racontent ces moments de démence, qu’un journaliste du Journal du Midi a décrit comme « indignes d’un peuple civilisé » (édition du 18 août 1893). On y découvre comment les discours nationalistes et cocardiers, les fantasmes xénophobes et la vieille rengaine « fiers d’être français », ont incité des laissés-pour-compte à se déchaîner contre leurs frères de misère avec une effrayante sauvagerie.