Au village de Goëm, en baie de Sprague, la population observe depuis quelques mois des manifestations anormales... D'abord, la seconde lune a disparu, et nul n'y a trouvé d'explication. Et, plus grave, la mer s'est progressivement retirée... jusqu'à disparaître complètement. Le village tirant toutes ses ressources de la mer (pêche, élevage, cultures, matières premières...) semble dès lors condamné à mourir. En désespoir de cause, les villageois ont envoyé deux expéditions pour traverser le désert, comprendre ce qui se passait et peut-être ramener l'eau au village: elles ne sont pas revenues et n'ont jamais donné de nouvelles. Mais tous ne baissent pas les bras.

A travers cette aventure fantastique aux confins d’un monde imaginaire qu’on pourrait croire peu éloigné du notre, Rodolphe prouve une nouvelle fois quel incroyable créateur d’univers il est. Suite à une succession d’événements suspects, avec en point d’orgue la disparition de la mer, deux frères (Niels et Vivian) un brin inconscients décident de partir à l’inconnu pour tenter de trouver une réponse à ces phénomènes inexplicables. Accompagnés du vieux Wilson, un pirate aveugle guidé par son amour des livres, leur quête les amènera à dépasser des limites qu’ils ne soupçonnaient pas pour une cause qui les dépasse. Porté par un graphisme admirable, magnifié par une colorisation épatante qui alterne pastels langoureux, rouges chatoyants et turquoises apaisants, ce one shot propose ce pour quoi son auteur excelle : un voyage onirique suffisamment fantasmé pour nous permettre une douce évasion, suffisamment proche de nos préoccupations pour, une fois encore, alarmer sur certaines problématiques écologiques que nous devrons affronter à brève échéance. Quoi qu’en pense la majorité, sur Spargue ou ailleurs, se résigner à ne rien faire ne peut constituer une alternative viable. Richard Buckminster Fuller, l’inventeur du dôme géodésique, écrivit qu'« il n’existe pas de crise énergétique ou […] environnementale. Il existe seulement une crise de l’ignorance ». Autant y remédier en beauté, la pilule n’en sera, espérons-le, que plus digeste.