Résumé : Du fauve ou de l'homme moderne, qui est le plus féroce ? On dit que le bonheur est une vocation. Celle d'Hector Bibrowski, né dans un cirque à la fin du XIXe avec des poils recouvrant tout son visage, ne le rend pas heureux, mais il ne l'a pas choisie. Comme son père avant lui, il fera la tournée des villes européennes en compagnie d'avaleurs de sabre, de soeurs siamoises, d'hommes-troncs et autres bêtes de foire. Mais tout le monde n'a d'yeux que pour « l'homme à la tête de lion » qui, derrière son visage sauvage, est passionné de littérature et capable de converser comme le plus instruit des gentlemen. Bientôt, l'opportunité d'intégrer le plus grand cirque des États-Unis l'emmène dans le moderne New York où s'élèvent les gratte-ciels et les ambitions démesurées des hommes. Dans ce monde qui a perdu toute échelle humaine et qui connaît les premiers balbutiements du cinéma, l'homme-lion restera-t-il le roi du spectacle ?

A ce rythme, Xavier Coste ne va pas tarder à rejoindre le cercle restreint des auteurs que l'on achète les yeux fermés… il continue son alternance d’adaptations littéraires et de biographies romancées, pour ici se pencher sur Stephan Bibrowski, qu’il renomme Hector comme pour s’octroyer plus de libertés sur son destin extraordinaire. Atteint d’hypertrichose, cet artiste fit de sa particularité, une pilosité pour le moins encombrante, un atout lui permettant de défrayer la chronique au sein du mythique cirque Barnum, qui se fit spécialiste de l’exhibition de « freaks » au début du siècle dernier. Afin de servir cette existence atypique, son biographe use de tableaux somptueux aux couleurs ternes, où les seules fantaisies viennent appuyer l’animalité des protagonistes. L’ambiance qui en découle immerge le lecteur avec brio, entre admiration, malaise, excitation et dégoût. Jouant de l’ambivalence de son héros, cultivée même sur scène en opposant aspect félin et culture raffinée, Coste multiplie les affrontements pour provoquer réactions et réflexions : l’homme et sa bestialité, la solitude ou la promiscuité de façade, le monde moderne face à ses traditions, l’importance des apparences contre le poids de la conscience. Alors que la société change, que son évolution rapide nécessite une adaptation permanente, les bêtes de foire n’ont d’autre choix que de se réinventer pour ne pas sombrer dans l’oubli, même si leur survie semble, irrémédiablement, vouée à s’affranchir de ce qui fait leur apparente singularité.