Il est universel, contagieux et réservé à l’usage humain : le rire. Pour activer cette réaction physiologique, il vaut être doté d’un sens bien spécifique, celui de l’humour. On peut utiliser plusieurs méthodes pour y arriver, mais quoi de plus efficace que de voir quelqu’un se péter la gueule — autant au propre qu’au figuré. Rien de mieux que le milieu du stand-up pour éprouver le concept. Au Québec, l’humour, c’est du sérieux. La Belle Province y a même fondé une école pour former la relève, l'Ecole nationale de l'humour (ENH). Jean Lacombe y a vécu six mois entre septembre 2019 et mars 2020 pour observer ce qui s’y trame et nous livre un condensé du parcours pas toujours drôle de deux jeunes comiques dans Mort de rire. C’est un don précieux que celui de faire s’esclaffer les gens. Pouvoir les sortir de la routine et de la morosité ambiante afin de leur arracher un sourire plutôt et non leurs cheveux. Certains arguent — comme le père de Reda, nouvellement admis à L’ENH — qu’il y a trop de guignols à gogo en goguette (!) et que ceux-ci méritent tout bonnement de passer sous les roues de son taxi. Certes, il n’a pas tort ; les humoristes occupent une place prépondérante dans notre espace médiatique et ils sont sollicités à outrance dans une multitude de contextes à des lieux de leur domaine d’expertise.

Il s’agit toutefois d’une industrie qui génère beaucoup de richesse pour les élu(e)s et les grosses pointures sont élevées au statut de rock star. Parlez-en à Yvonne qui termine son cheminement académique sur les chapeaux de roues. On se l’arrache. La boîte de gérance qui la courtise prévoit déjà son deuxième show avant même qu’elle ait eu le temps de lire et signé son contrat. Tout va trop vite ; la vie lui sourit jusqu’au jour où le spectre de la grande faucheuse dévoile son cruel rictus. Au moins, elle aura goûté aux feux de la rampe, ne serait-ce qu’un instant fugace.  On ne peut pas en dire autant de Reda dont le public reste muet comme la pierre après chaque punch tombé à plat. À sa défense, les bars de quartier ne sont pas des lieux qui respirent la joie et l’hilarité. Il commence d’ailleurs à regretter son choix, lui qui doit se faufiler tel un ninja hors du domicile familial pour échapper à la vigilance du bonhomme qui a d’autres aspirations pour lui : thanatologue, par exemple. On peut presque dire que son chien est mort et enterré. Au moins les macchabées sont un auditoire captif qui ne risque pas de quitter avant la fin de set.