Critique de la raison pure (Kant Junsui Risei Hihan) est un manga unitaire publié au Japon aux éditions Kodansha. L'œuvre kantienne la plus importante s'appelle « Critique de la raison pure » parce que Kant tente d'y établir les limites de l'exercice de la raison qui ne s'appuie pas sur l'expérience mais se développe à partir d'elle-même. Kant considérait que cet usage de la raison est légitime lorsqu'il se limite à la connaissance d'objets empiriques (comme cela se produit dans la Physique de Newton ou en mathématiques), objets qui apparaissent dans notre expérience perceptive -qu'elle soit interne ou externe-. Cependant, lorsque la raison pure est utilisée dans le but d'atteindre des objets qui ne sont pas physiques ou psychiques, mais plutôt transcendants, la raison humaine dépasse ses limites et donne lieu à des contradictions et à des absurdités.

Ce livre n'est pas simplement une introduction illustrée et caricaturale à Kant, mais un livre qui utilise les idées de Kant dans un cadre/une intrigue de manga, et qui est une tentative réussie de ce que l'on appelle la "philosophie illustrée". En bref, cette œuvre raconte l'histoire d'un protagoniste qui tombe amoureux d'une androïde. Il s'agit d'un manga très abouti, et l'histoire est assez élaborée pour sa longueur, à tel point qu'elle pourrait même faire l'objet d'un film si elle était bien menée. Ce livre montre ce qui se passe lorsque la sensibilité, la narrativité et la raison au sens de la Critique de la raison pure font défaut dans la création d'un androïde, ou inversement, que ces capacités sont essentielles à la création d'un androïde de type humain. En d'autres termes, quelles sont ces capacités chez les humains et dans quel genre de monde ces humains vivent-ils ? C'est intéressant pour avoir une idée approximative de ce que Kant essayait de dire dans la Critique de la raison pure. Le récit est consacré au "problème de la perception" ; il peut donc servir de modèle à un professeur artificiellement intelligent qui donne des perceptions théoriques, mais on ne peut pas en faire un "robot amoureux". Kant rejette aussi sévèrement le concept de "bonheur" en éthique. Dans l'ouvrage, à la fin, l'amour du jeune homme et de la fille androïde est comblé et ils sont heureux en ménage. C'est très émouvant, mais on ne peut s'empêcher de penser : "Hmmm, mais cette histoire n'est pas très kantienne".