Le roman de Lois Lowry, récompensé par un Newberry-Medal, a été publié en 1993. Si vous appréciez les romans dystopiques comme 1984 de George Orwell ou Fehrenheit 451 de Ray Bradbury, cette histoire était tout à fait similaire. Seulement pour les enfants. En quelque sorte. La vision de Lowry de ce futur dystopique est celle d'un avenir où l'unité est l'idéal humain, et ce à tous les niveaux de la vie. Les mères qui accouchent (ou les "personnes qui accouchent" dans le jargon d'aujourd'hui, on suppose) produisent les trois bébés requis, qui sont ensuite assignés à des "parents" qui ont eux-mêmes été assignés l'un à l'autre. Chaque famille a deux enfants, et chaque enfant passe par les mêmes niveaux en fonction de son âge, les "sept" et les "neuf", etc. À douze ans, les enfants se voient attribuer un poste dans la communauté qui leur convient le mieux. Jonas est différent, un garçon de douze ans qui n'a ni excellé ni échoué dans quoi que ce soit. Il est le mieux placé pour mettre la main à la pâte et c'est pourquoi les anciens lui confient le poste le plus important de tous : remplacer le Receveur de Mémoire de la communauté avant que l'actuel ne soit libéré. Le Receveur de Mémoire est un homme qui n'est pas lié par les nombreuses règles de la communauté, qui détient tous les souvenirs du monde, de sorte que la communauté n'a pas besoin d'être dérangée par eux. La magie qui se cache derrière ce fait n'est jamais abordée, pas plus que l'absence de couleur dans le monde pour ceux qui n'ont pas de mémoire, mais c'est très bien ainsi. C'est la réalité de ce monde du futur, et nous n'avons pas besoin d'en comprendre le comment.

Bien que l'essence de cette communauté ressemble à une forme légère de communisme, c'est bien pire que cela. Seul Le "Passeur" (The Giver) comprend les sombres dessous de cet endroit, et il partage ces vérités et souvenirs terrifiants avec Jonas. Ensemble, ils reconnaissent qu'un changement est nécessaire et que quelque chose doit être fait. Le premier roman de Lowry, qui est devenu une série de quatre livres (avec Gathering Blue, Messenger et Son), s'est vendu à des millions d'exemplaires, et les adaptations de The Giver abondent. Cette adaptation en roman graphique par P. Craig Russel n'est que la plus récente, mais il s'agit d'une interprétation saisissante qui illustre de manière grandiose les idées qui se cachent derrière les mots de Lowry. Le réalisme des dessins nous a un peu dérangé au début, mais ils aident le lecteur à ne pas considérer ce livre comme un simple conte fantastique ou de science-fiction, mais comme une possibilité pour les humains, un futur d'une manière ou d'une autre.  La façon dont Russel ajoute lentement de la couleur au monde de Jonas est amusante, et l'absence de monochromie dans le monde incolore est judicieuse. Il ajoute des bleus aux noirs et aux gris, donnant au monde un peu de vie, même si elle ne vaut pas la peine d'être appréciée. Nous avons été surpris par les scènes de ce qui est essentiellement la puberté de Jonas. Il décrit son rêve de "vouloir" baigner son amie Fiona, comme il l'avait fait pour les personnes âgées dans le cadre de son travail, mais ce "vouloir" était nouveau et excitant. Sa "mère" appelle cela "l'agitation" et lui dit qu'il est temps qu'il commence à prendre les pilules que tous les adultes prennent pour tenir cette agitation à distance. La délicate honnêteté avec laquelle Lowry et Russel dépeignent cette scène est mémorable.