Un loup d'Alaska et un enfant d'Afrique peuvent avoir beaucoup de points communs, ils peuvent révéler et dénoncer en silence. Entre eux, leurs histoires seront racontées sans paroles, transmises par une attraction et une connexion très puissantes à travers leur regard. Un œil pour se concentrer, comme s'il s'agissait d'une longue-vue ou d'un tunnel qui vous emmène dans le passé pour comprendre le présent ; à travers lequel les protagonistes découvriront des souvenirs et des expériences personnelles. L'empathie et la compréhension seront brutales, compensant ce qui vous entoure.  Il est important de connaître l'histoire de ces personnages abîmés par ce que représente leur vie : déplacés dans un endroit qui leur est étranger, Le loup bleu et un garçon appelé Africa se retrouveront sur le chemin de la vie en se racontant ce qui les a apportés à l'endroit où ils se trouvent. Il semble que le nord et le sud de la planète Terre se rejoignent dans cette histoire pour nous montrer la dureté du monde, la manipulation de la vie des autres, de l'enfance et des animaux, des êtres innocents et vulnérables. L'œil de chacun sera connexion, union et réflexion entre les deux ainsi qu'il sera le miroir de la société qui oblige les gens à migrer, qui abuse de la nature, qui maltraite et ignore.

On ne se lassera pas de dire que ces dernières années nous laissent avec des adaptations BD très intéressantes de romans très divers, tous réalisés avec beaucoup de soin et en conservant à la fois l'esprit de l'œuvre originale comme laissant de la place à la voix auctoriale du responsable de la bande dessinée. L'Œil du loup a des traits de fable mais son histoire, même si elle est exceptionnelle, a des traits de réalisme. L'albul raconte la rencontre entre un loup borgne vivant en captivité dans un zoo et un enfant africain. Leur rencontre suscite des intrigues les uns chez les autres. En fait, le premier chapitre est un contact troublant qui est le prélude aux histoires de vie des deux, deux histoires qui, sans apparemment avoir de points communs, contiennent une tragédie et une trace de méfiance envers l'autre qui peut conduire à un certain désespoir. Ce que l'on aime dans l'histoire de Daniel Pennac, c'est qu'il n'utilise aucun personnage-véhicule auquel le lecteur européen puisse s'identifier pour peu qu'il puisse nos présenter l'histoire de deux personnages dont les expériences lui seraient complètement étrangères. Pennac se livre à l'histoire, au plaisir de raconter et de laisser le lecteur suivre ce qu'il a. Ainsi, il présente deux histoires vitales (qui comportent un esprit antispéciste, antiraciste, anti-abus et environnementaliste) et loue ledit acte narratif comme un moyen de se connecter avec les autres et de briser les barrières. Mathieu Sapin se consacre à l'adaptation avec beaucoup d'effort et un style disgracieux (très issu de l'école de Sfar et compagnie) qui parvient à distiller à la fois ce plaisir de la narration et l'odyssée d'une vie (ou du moins de certains passages).