Basée sur des faits historiques réels, cette bande dessinée présente Juan Pujol García non pas comme un espion traditionnel, mais comme un homme qui a joué un double jeu magistral en devenant, de manière presque ironique, un des espions les plus précieux des Alliés, tout en étant perçu par les nazis comme un agent de confiance. Ce personnage hors du commun, surnommé Garbo par les services britanniques, est à la fois un anti-héros et un véritable stratège de la guerre de l'information. Juan Pujol García n’était pas un espion formé, et pourtant il parvint à tromper les plus hauts gradés du régime nazi avec des informations fausses et fabriquées. Espagnol d’origine, il vivait à Madrid pendant la guerre, et après avoir tenté de rejoindre les rangs des Alliés, il fut d'abord rejeté par les Britanniques, qui doutaient de sa fiabilité. Mais Juan Pujol ne se laissa pas décourager et, plutôt que de céder à l’échec, il décida de mettre en place un plan d’espionnage totalement original. L'un des aspects les plus surprenants de son histoire, et que la BD parvient à capter brillamment, est le défi mental auquel Juan se confronte. Il commence à faire passer des informations aux nazis en se faisant passer pour un espion britannique, mais en réalité, il n'a jamais eu accès à des informations de terrain véritables. Ce qui fait de lui un espion unique, c’est qu’il crée des informations de toute pièce, jouant sur la crédulité des nazis et sur leur désir de croire en ses récits. Au final, il parvient à convaincre le Haut Commandement nazi qu’il est un espion britannique de première main, alors qu’il n’est qu’un simple civil, créateur d’histoires et d’illusions. Il met en place une fausse réseau d'espionnage qu’il appelle "Garbo", et qu'il gère avec une méthode méticuleuse, envoyant régulièrement de fausses informations via des messages codés. Son succès repose sur sa capacité à manipuler les deux camps, à comprendre les failles dans le système de renseignement nazi et à leur envoyer des données qui semblaient véridiques tout en étant soigneusement fabriquées. De cette manière, Pujol García réussit à tromper non seulement les nazis, mais aussi les Britanniques, qui le prennent pour un informateur de confiance.

L'une des grandes forces de L'Espion qui a Piégé Hitler est sa capacité à montrer comment l'espionnage moderne ne repose pas seulement sur l'espionnage physique et les missions sur le terrain, mais sur des manipulations psychologiques et l'art de la désinformation. Pujol Garcia, malgré son absence totale d'expérience en espionnage, devient l’un des instruments les plus redoutables dans la guerre contre le nazisme, en contrôlant l'information et en influençant des décisions militaires majeures. Il prouve que, parfois, l’intelligence et la créativité peuvent être plus puissantes que les armes. L’un des moments clés est le travail que Pujol accomplit lors du débarquement de Normandie (D-Day), où, grâce à ses fausses informations, il parvient à dissuader les nazis d’envoyer des renforts vers la Normandie, croyant que l’invasion se déroulerait ailleurs, dans le Pas-de-Calais. Cette désinformation stratégique a joué un rôle crucial dans le succès du débarquement allié, et la série fait un excellent travail en exposant les conséquences mondiales des petites manœuvres psychologiques de Pujol. L'espion espagnol parvient même à gagner la confiance des nazis au point de recevoir des distinctions honorifiques. Dans les coulisses, il communique en secret avec les services secrets britanniques, leur fournissant des informations essentielles qui, dans leur absurdité apparente, se révèlent être des manœuvres de diversion redoutablement efficaces. L'album L'Espion qui a Piégé Hitler réussit à offrir une mise en scène captivante, alternant entre moments d'action, de suspense et de réflexion sur la psychologie de l'espion. Le tout est magnifiquement rythmé, avec des scènes de tension saisissantes, tout en étant fidèle à la réalité historique. La série, tout en étant dramatique, se veut également informatrice, permettant au spectateur de comprendre le rôle crucial des opérations de désinformation pendant la guerre et de saisir toute l'ampleur du jeu de dupes mené par Pujol.