Depuis la moitié du XIXème, le pétrole s’est inscrit en lettres de feu et de sang dans l’histoire du monde. Bénédiction apparente, il a révolutionné l’industrie et la chimie, supplanté le charbon, modernisé les moteurs et les armées. Il a impulsé un essor économique sans précédent. Mais véritable malédiction, il a permis la création de conglomérats tentaculaires qui ont durablement influé sur le cours du monde dans leur propre intérêt. L’or noir a été à l’origine des guerres modernes et des grandes crises économiques. Sans pétrole, la bataille de Stalingrad n’aurait pas eu d’intérêt, ni l’invasion de l'Indonésie par le Japon.

C’est cette histoire, aussi bien la grande que la petite, que retrace La Malédiction du Pétrole. Mais ce roman graphique ne s’arrête pas aux grands événements et aux grands hommes, il s’intéresse aussi aux obscurs, aux aventuriers et à leurs anecdotes passionnantes, qui ont souvent fait l’histoire. L’album prend la forme d’un documentaire mais le parti pris graphique est étonnant. Nous sommes clairement dans l’univers de l’illustration. Chaque case en noir et blanc porte un texte quasi journalistique sorti tout droit d’une vieille Underwood. Piranhas, têtes de mort, diables et démons, hydres et pieuvres, aigles et vautours, ... chaque page reprend tout un bestiaire et un catalogue symbolique qui rajoutent une dimension supplémentaire à l’histoire et dramatise le discours. Avec cet album, Pécau et Blanchard nous racontent non seulement l’aventure captivante du pétrole, mais ils le font sous la forme d’un cauchemar halluciné remarquablement illustré. On est face à un recueil de petites natures mortes où les symboles présents dans chaque page nous donnent une deuxième histoire, sombre et maléfique, de laquelle l’humanité ne sort pas nécessairement grandie.