Dans le clan Wagner d’après-guerre, Wieland était sans doute le plus talentueux mais aussi - et c’était lié - le plus torturé par l’héritage idéologique familial, la proximité avec Hitler et sa propre mobilisation dans un camp de prisonniers. Anja Silja, jeune cantatrice prometteuse et peu conventionnelle, connaîtra avec lui une histoire d’amour passionnée. Elle devient la narratrice après un premier quart d’album. Avant, un épisode dramatique de fuite de prisonniers et des scènes de l’époque où Hitler visitait la famille Wagner installent des repères à l’histoire de Wieland qui s’éclaireront ultérieurement.

C’est un des rares points contestables de cet album : ce procédé scénaristique n’est pas très clair et complique l’entrée dans l’histoire. Dès qu’Anja s’introduit dans le récit, tout se lit d’une traite. Le dessin de style belge et la colorisation très adaptée au sujet sont des réussites. Le scénario bien documenté propose intelligemment beaucoup de clefs pour comprendre comment et pourquoi Wieland transforme et purifie (ironie) l’œuvre de son grand-père, géniale mais polluée par l’antisémitisme du compositeur et le détournement de l’œuvre par Hitler. On y découvre des faits et des personnages, vérifiables le plus souvent. On peut seulement se demander si cet album est intéressant voire capable de piquer la curiosité d’un lecteur novice en opéra wagnérien, ou s’il faut connaître l’œuvre de Wagner (et d’Alban Berg) pour l’apprécier. Quoi s’il en soit, voilà notre dimanche condamné à rechercher des enregistrements d’Anja Silja…