Nagisa débarque chez sa tante afin d’apprendre à être Ama. A sa grande surprise, la vie sur une île à pêcher des ormeaux lui plaît. Pourra-t-elle rester ici pour toujours?

Quand on regarde la couverture, notre curiosité est tiquée. Que fait cette femme presque nue avec des lunettes, un couteau et une corde. Dans le titre, on devine tout de suite avec Ama, qui sont ces femmes qui pêchent à la main tout ce qui coquillage. Sur Hegura, elles sont spécialisées sur les ormeaux. Une rare pêche traditionnelle faîtes par des femmes au Japon. Il y a encore des reportages sur ce sujet. C’est rare que le 9e art se préoccupe de ce sujet. On ne peut que féliciter Franck Manguin et Cécile Becq d’avoir eu l’envie de faire récit sur cette communauté. Ce n’est pas un documentaire, c’est un focus sur une adolescente « déshonoré » envoyé chez sa tante pour l’éloigner des quand dira t’on. Les cancans peuvent vraiment faire du mal. Progressivement, elle trouve sa place et arrive à devenir indépendante. Mais l’idée de devoir se marier pour continuer son travail, lui donne des boutons. Pourquoi ne pas avoir le droit d’être libre ? Ce qui est dommage c’est que le début et la fin du récit se finisse assez promptement. La demoiselle arrive comme ça. On arrive très bien à comprendre la raison. Mais partir du jour au lendemain sans expliquer le pourquoi du comment à sa tante semble un peu tirer par les cheveux. Surtout qu’après de nombreuses années au sein d’une communauté, elle aurait pu aborder le sujet et savoir ce qui était possible. Cela fait un peu traitrise à ceux qui ont appris à vous donner de la confiance. Et le fait que plus tardivement, elle fasse de la pêche dans un musée pour distraire les touristes, ne change pas trop la donne.

Le changement climatique est abordé en trame de fond. L’acheteur propose des tenues de plongée aux ama. Ainsi elles auront moins froids et pourront pêcher sur une plus longue durée. Comme il y a de moins en moins d’ormeaux, il faut trouver une alternative. « Les ama d’Isé les utilisent depuis des années et elles ne s’en plaignent pas! Elles vivent avec leur temps, elles… » (p. 90). Isoé tient à rappeler un contexte : « Mais Sakéo, tu sais très bien que si les ormeaux disparaissent, c’est parce qu’ils n’ont plus assez à manger! Les températures montent et tuent les algues dont ils se nourrissent. Mets ta jolie combi et passes-y tes nuits aussi. Tant que t’y es, et sous peu tu verras, il n’y aura plus rien à prendre… » (p. 91). Au final, toutes prendront la tenue et il y aura de moins en moins d’Ama. Y avait-il une discussion à avoir pour savoir comment préserver l’espèce et son métier? Le dessin très précis et net permet d’ancrer le récit dans le réalisme. Cecile Becq va à l’essentiel et donne tous les éléments graphiques nécessaire pour l’immersion. Le choix de la bichromie est très judicieuse. On se focalise plus sur l’histoire. Le jeu de contraste avec parfois le fond blanc et parfois bleu donne une dynamique discrète et impulsant. La mise en page assez classique nous propose des gros plans sur des éléments importants. Il n’y a pas de vulgarité ou de voyeurisme gratuit malgré le fait de voir des femmes presque nue. La perversion n’est pas présente et c’est plaisant à lire. Le scénariste montre juste une situation de conflit avec un mec qui n’a pas apprécié être rejeté. Une situation trop habituelle dans le monde. Et malheureusement il faut l’intervention d’un autre homme pour mettre fin à cette violence ordinaire. Cette société reste encore très traditionnelle. Et n’interroge pas son modèle. La différence avec les autres repose sur le fait qu’il est positif d’avoir une fille et pas un garçon.