L'escalier vers les nuages bleus (His Dream of Skyland) est le premier épisode de la trilogie "Walled City". Hong Kong, 1925. Le jeune Song Lu débute un nouveau travail en tant que facteur dans un bureau de lettres mortes. Il s'agit d'une sorte de dépositaire officiel où l'on amoncèle toutes les lettres ne portant pas de timbres suffisants, tous les courriers contenant des objets dont l'envoi est prohibé par les règlements des bureaux de poste et toutes les missives dont l'adresse est illisible. En cherchant une solution à tous les problèmes postaux, Song est un peu un héros des temps modernes, attiré par les milliers d'énigmes qui l'attendent dans son travail. Mais il ne sera pas le seul protagoniste de cette histoire qui nous proposera de suivre les tribulations de trois jeunes hommes qui cherchent à découvrir le sens et la magie de leur jeunesse. Les tours de magie, les illusions, et parfois les menus larcins (façon pickpocket) sont parfois les seuls passe-temps de ces garçons au sein d'un no mans land absolu, refuge des pauvres, des criminels et des marginaux. Le gouvernement britannique a interdit ce ghetto, tandis que les Chinois, consumés par leurs propres troubles politiques, ont perdu le contact avec leurs concitoyens. Les garçons découvrent que ce monde, chaotique et étrange, commence à forger son identité, ce qui va les inciter à faire quelque chose de plus important de leur vie.

Le dessin très onirique nous propulse dans un univers peuplé de gangsters sinistres, de prostitués généreuses (l'ouvrage s'ouvre par ça), d'acrobates tragiques, mais aussi par les habitants de la ville fortifiée de Kowloon, des gens sans aucune identité puisqu'ils n'ont encore aucun papier. Cette combinaison intrigante de fiction historique et de conte moderne s'intéresse à la magie mais aussi à la corruption régnante dans Hong Kong, encore une colonie britannique à cette époque (le territoire sera rétrocédé à la Chine en 1997). Le scénario d'Anne Opotowsky est une réussite, tandis que le dessin d'Aya Morton ne manquera pas de surprendre avec une palette extrêmement coloré, mais des décors souvent monochromes. Les personnages sont d'ailleurs toujours en noirs et blancs, seuls leurs vêtements seront en couleurs.