Gideon Falls est le dernier projet de l’une des meilleures équipes créatives de comics. Le scénariste Jeff Lemire et le dessinateur Andrea Sorrentino se sont réunis pour la première fois depuis leur dernière collaboration avec Old Man Logan. Nous y suivons un groupe de personnages insolites profondément liés au monde étrange : Norton Sinclair est un jeune homme solitaire obsédé par une conspiration d'envergure dont les secrets seraient détenus dans les ordures de la ville. Il s'apprête à faire un rapport à sa psychiatre, la Dr Xu, qui le suit depuis de longs mois. Par ailleurs, Fred, un prêtre catholique délabré arrive dans une petite ville pleine de sombres secrets, Gideon Falls. De nombreux mystères s'entrelacent autour de la mystérieuse légende de la grange noire (The Black Barn), un bâtiment surnaturel présumé être apparu à plusieurs reprises au cours de l'histoire en différents lieux, entraînant la mort et la folie dans son sillage. Le mystère rural et l'horreur urbaine se rencontrent dans cette méditation centrée sur l'obsession, la maladie mentale et la foi.

Bien que limité à l'emplacement du titre, l'univers de Gideon Falls s'est considérablement étendu dans le dernier volume. Avec plusieurs lignes temporelles et donc d'innombrables variantes de Gideon Falls, une sorte de multivers est entré dans l'histoire et l'a brisée définitivement et massivement. D'une histoire d'horreur plutôt locale, on est passé à une construction de mystère complexe, presque globale, avec des éléments de science-fiction, comme des voyages dans le temps ou des sauts dimensionnels, causés par le Pentoculus, une machine construite par Norton Sinclair, par laquelle le mal s'est glissé dans le monde. Pourtant, l'histoire aurait pu se terminer avec le dernier volume. Comme un grand final, c'est-à-dire avec la destruction finale de l'inquiétante grange noire, couplée à une fin semi-ouverte, stimulant l'imagination. Mais l'auteur Jeff Lemire en a décidé autrement. Et cela continue maintenant. L'évêque Burke explique le scénario apocalyptique : avec la destruction de la grange, la menace est loin d'être terminée. C'est le contraire qui se produit. Car le multivers avec toutes ses variantes de Gideon Falls est en train de s'effondrer, pour revenir au "centre". Des images zombiesques de l'homme souriant conquièrent les lignes temporelles et menacent ainsi les protagonistes, qui ont été "projetés" dans différentes versions de l'endroit après l'explosion de la grange et doivent maintenant se retrouver pour maîtriser enfin le mal en tant que "cinq grands voyageurs". Tandis que Clara se débrouille dans une variante de western, le père Fred tente de trouver sa voie dans une version futuriste et pervertie de Gideon Falls à la Blade Runner. Et le Dr Angela Xu est bloquée dans une variante où l'endroit a muté en un état de surveillance orwellien. Seul l'endroit où se trouve Danny n'est toujours pas clair. Lemire passe d'un protagoniste à l'autre et présente ainsi un parcours intensifié et haletant à travers les multiples versions et lignes temporelles de Gideon Falls, qui deviennent visiblement instables, se chevauchent et s'emboîtent, ce qui est visualisé de la manière innovante habituelle par l'illustrateur Andrea Sorrentino. Le point fort visuel du volume est une sorte de variante du Big Bang qui explique comment le bien et le mal sont apparus - presque comme un motif biblique - sur plusieurs doubles pages dans un style de collage qui rappelle les couvertures de Dave McKean. Le volume comprend les numéros 23-27 des États-Unis, publiés par Image Comics. La série s'est arrêtée là dans un grand final.