Nostalgia, inspiré du roman éponyme d'Ermanno Rea, met en scène Pierfrancesco Favino (Il traditore, Padrenostro) dans le rôle de Felice, un homme qui, depuis 40 ans, s'est éloigné du lieu où il a grandi, le quartier Sanità de la ville napolitaine, et qui redécouvre, pas à pas, ses souvenirs les plus lointains, en les vivant à travers le flux incessant de la Naples vivante et vraie. Malheureusement, dans ce processus de restauration mentale, ce ne sont pas seulement les doux souvenirs d'enfance qui refont surface, mais aussi des réminiscences plus sombres et plus terribles, qui menacent d'interrompre cette relation retrouvée entre Felice et sa terre natale.

Nostalgia est un excellent hommage à la valeur des souvenirs et de la mélancolie en tant qu'instruments de redécouverte intérieure : la confrontation avec notre passé nous permet une élévation non seulement mentale, mais aussi physique, tangible, qui se nourrit de la relation continue avec des lieux, des coutumes et des habitudes qui appartiennent à notre sphère la plus inconsciente et la plus cachée. Cela dit, remonter le temps n'est pas forcément un voyage d'agrément, mais cela permet aussi de faire passer des traits maudits que nous avions délibérément effacés ou retenus prisonniers dans les méandres les plus reculés de notre conscience. Felice, après avoir travaillé de nombreuses années au Caire, ressent l'appel ancestral et profond de sa patrie et, bien que sceptique au départ, il se laisse guider par les rues bondées de la ville, par la confrontation avec de vieilles connaissances et par le rapport renouvelé avec sa mère, qui l'a vu s'éloigner pendant une grande partie de sa vie. La caméra nous guide dans une promenade dynamique et significative à travers les ruelles de Naples, du point de vue du protagoniste : ce n'est pas un hasard si le personnage est comme un spectateur occasionnel, un visiteur ordinaire qui, au fur et à mesure qu'il avance, contemple la beauté et la splendeur d'un microcosme unique, que seule la capitale de la Campanie est en mesure d'offrir. Puis vient la prise de conscience, à la fois nécessaire et terrible, qui d'une part nous fait entrer dans un univers que nous connaissons déjà et qui nous est familier, et d'autre part évoque des esprits désagréables qui jusque-là étaient restés scellés dans nos esprits. Avec un scénario coloré et intense, Martone dépeint des personnages aux nuances tout sauf banales et une histoire qui, bien que linéaire, est soutenue par un montage serré. Les flashbacks du passé, soigneusement différenciés du présent par un filtre sépia et un format visuel carré, sont en effet découpés comme s'il s'agissait de moments et d'instants perdus dans le temps, qui se referment soudainement sans rupture avec l'intrigue principale.

Cette solution est parfaite pour reproduire le fonctionnement de notre mémoire, même si, dans certains cas, elle ne s'intègre pas efficacement au déroulement normal des événements. Pour en revenir aux personnages de Nostalgie, outre le protagoniste, charmant, mystérieux et de plus en plus attiré par la ville, les co-protagonistes, bien que moins mémorables que Felice, sont d'une grande importance pour la résolution de l'histoire, en particulier Don Luigi Rega (Francesco Di Leva) et Oreste (Tommaso Ragno). Si le premier est le principal allié du personnage central, le second est son plus sombre ennemi et en même temps la force irrésistible qui pousse Felice à redécouvrir le passé. D'une manière inhabituelle et inattendue, le long métrage nous montre une Naples différente de l'habituelle, plus fantomatique et évanescente, tout aussi belle mais suspendue dans des limbes ataviques qui ne permettent aucun changement ni aucune évolution. Une ville qui semble habitée par les fantômes d'époques révolues qui coexistent pacifiquement avec ses habitants actuels : un carrefour séculaire où les traditions ne meurent jamais et où le passé et le présent ne font qu'un. L'ancienne Partenope est un lieu maudit qui n'est jamais abandonné : même si le corps quitte cette patrie, l'esprit parviendra toujours à le ramener chez lui. L'auteur semble suggérer, même de manière peu voilée, que la patrie reprend, tôt ou tard, les âmes perdues. Mario Martone, avec sa maîtrise du médium cinématographique, crée des séquences d'une rare intensité, voilées cependant d'une profonde mélancolie, révélant, de manière sincère et intime, les contradictions qui traversent Naples, où coexistent sainteté et délinquance, pauvreté et noblesse, cauchemars et renaissances. L'œil de la caméra est toujours braqué sur Felice et ses changements incessants, son désir de rester là, tout en se sacrifiant et en sacrifiant tout ce qu'il a construit ailleurs. Il y a presque du sadisme à redécouvrir, avec un regard nostalgique, le temps passé et le protagoniste le sait, mais il ne peut plus s'en empêcher.