"C'est l'heure de se lever, mon chéri", appelle Maman Chattemite en se penchant pour glisser un baiser dans l'oreille de Joe. Et ça le réveille. Joe déteste être embrassé et être embrassé au sortir d'un rêve captivant est la chose la plus ennuyeuse du monde. Ceci après avoir détruit son réveil et avant de faire semblant de se brosser les dents. Le misérable petit félin va ensuite salir les vêtements propres et repassés que sa mère a mis à sa disposition, cracher métaphoriquement sur la nourriture qu'elle lui sert et se lancer dans un débat pour savoir si une "tarte au miel" est un vrai dessert ou non. Il n'est pas surprenant d'apprendre qu'il est "connu comme un chahuteur à l'école", qu'il fait exploser des boules puantes et qu'il se livre à des combats de chats. Lorsque la maman gâteuse en a finalement assez et lui offre une tarte au miel, on peut entendre les mères du monde entier se réjouir que le petit bout ait enfin ce qu'il mérite.

Tomi Ungerer est depuis longtemps une figure "controversée" de la littérature pour enfants, mais les éditions Rue de Sèvres et leur adaptation en BD ne portent pas de tels autocollants de fanfaronnade. Qu'y a-t-il de si risqué dans "Pas de baiser pour Maman ?" Au point culminant, tous les chats se retournent pour voir Joe réprimander publiquement sa mère. Alors qu'est-ce qui est si "scandaleux" ? Les colères perdues et les châtiments corporels, mais il faut rappeler que le roman jeunesse d'origine est sorti en 1973. Ungerer ne nous épargne pas les habitudes de Joe et des autres jeunes matous, qui fument des mégots de cigare dans la chambre des garçons et se battent jusqu'à ce que quelqu'un perde presque une oreille. L'adaptation par Mathieu Sapin se veut plus consensuelle, plus contemporaine (quoique pas toujours) bien qu'elle reste fidèle au texte et au style d'illustrations du livre d’origine.