Dogtooth
Plate-forme : Blu-Ray
Date de sortie : 27 Novembre 2024
Résumé | Test Complet | Actualité
Editeur :
Développeur :
Genre :
film
Multijoueur :
Non
Jouable via Internet :
Non
Test par

Nic007


8/10

Réalisé par Yorgos Lanthimos.

Trois garçons qui n'ont jamais franchi le seuil vivent dans une grande villa avec piscine située dans l'arrière-pays grec. Un portail et une grande clôture renforcée par une épaisse haie représentent la frontière du monde que leurs parents leur réservent pour les protéger des dangers de la vie réelle : un monde blindé et théoriquement autonome dans lequel la famille se suffit à elle-même, en qu'il n'y a pas ce sont des noms propres mais seulement le père, la mère, la fille aînée, le fils et la fille cadette, dans lesquels les avions qui volent dans le ciel sont des jouets et on espère qu'ils tomberont au sol pour les prendre, et dans lequel les chats sont le pire ennemi de l'homme, à chasser ou à tuer si l'on ne veut pas finir déchiqueté et dévoré, un monde dans lequel les poissons surgissent de nulle part dans la piscine de la maison et les chiens naissent directement du ventre du propriétaire, un monde dans qui, pour passer le temps, choisissent des jeux insensés (comme le concours pour voir qui résistera le plus longtemps avec un doigt sous le jet d'eau chaude du robinet, ou comme celui pour voir qui récupère le premier après avoir été assommé au chloroforme), et dont le but, quand il y en a un La première consiste à obtenir les points nécessaires pour avoir le droit de choisir le divertissement de la soirée, qui peut consister en un jeu supplémentaire, une danse de groupe ou le visionnage d'un film en famille. C'est le père, autoritaire et résolu, le point d'appui autour duquel tourne tout le carrousel, c'est l'esprit qui a construit ce microcosme irréel en l'inculquant à ses enfants un flot constant de mensonges visant à alimenter la peur de l'inconnu, et c'est lui aussi qui est le seul autorisé à en sortir : il le fait tous les jours, pour aller travailler dans son usine et mentir à ceux qui lui proposent une sortie avec ses femmes à la remorque (le sien, dit-il, est en fauteuil roulant). et refuse d'être vu), alors que personne ne connaît ni ne demande rien à propos de ses enfants. Au sein de la maison, avec ceux qu'il continue de considérer comme ses « enfants », il est généreux de conseils, toujours prêt à leur rappeler que le mal existe dehors : c'est pourquoi ils ne pourront sortir que lorsqu'ils seront mûrs, ce qui c'est-à-dire lorsqu'ils auront fait tomber la première canine, mais ils devront quand même le faire dans la voiture, en toute sécurité, et ce n'est que lorsque la dent aura repoussé qu'ils pourront apprendre à la conduire. Et méfiez-vous de vous y aventurer en premier, car quiconque a essayé est devenu de la nourriture pour chats.

Soumise au père et soumise à toutes ses volontés, la mère lui offre sa pleine collaboration, se consacrant à enseigner aux garçons de nouveaux mots, ou plutôt à attribuer des significations fictives à des termes d'usage courant mais qui, dans le contexte restreint des quatre murs, être difficile à comprendre : à quoi ça sert de parler d'autoroutes à ceux qui ne peuvent pas passer leur porte d'entrée ? A quoi bon expliquer ce qu'est un zombie à ceux qui ne peuvent regarder la télévision que pour se revoir ? Et pourquoi révéler l’existence du téléphone à ceux qui ne peuvent pas avoir de contact avec des inconnus ? Autant dire que l'autoroute c'est un vent très fort, que le zombie est une petite fleur jaune, et que le téléphone est une petite salière en plastique. Dans le cadre de cette nature morte évolue également Christina, une employée de son père qu'il introduit, contre rémunération, dans son royaume à intervalles réguliers pour satisfaire les instincts sexuels de son jeune mâle, pour éviter qu'il ne finisse par nuire aux deux. les femelles. Mais, sans s'en rendre compte ni même le vouloir, ce sera elle, l'élément extérieur, qui fera peser les premiers dangers sur le vide pneumatique soigneusement construit par l'homme autour de ses créatures, pour en perturber l'équilibre, semer la graine de la curiosité, encourager l’ouverture de petits aperçus de la réalité. Une fois les dégâts découverts, le pater familias tentera de les réparer et d’apaiser les forces centrifuges croissantes, mais avec des conséquences aussi imprévisibles que tragiques. Primé dans plusieurs festivals dont Cannes 2009, où il a triomphé dans la section Un Certain Reguard, et nominé aux Oscars 2011 parmi les meilleurs films étrangers, Dogtooth (Kynodontas, terme grec désignant la canine) est un film extrême horrifique et difficile à oublier, celui dont la force est ancrée dans la folie mais terriblement crédible. Élevés dans une sorte de conte de fées sans fin (heureuse), éduqués dans une perpétuelle immobilité, non préparés à la liberté et dressés comme des chiens dans une obéissance aveugle, les trois garçons sont des jeunes d'âge lycéen mais mentalement coincés dans la petite enfance, incapables de rêver et amenés à vivre leur enfer convaincus que c'est le paradis ; dans son désir exaspéré de contrôle, le père planifiait chaque détail, à partir des frontières qui délimitent extérieurement la (micro)portion du globe mise à leur disposition, essayant de garantir leur isolement par la création d'un langage neutralisé, édulcoré, vide, dépouillé d'éléments jugés potentiellement dangereux car capables de fonctionner comme un pont avec le monde réel, et ingénieux à construire des châteaux de mensonges pour détourner toute manifestation du savoir humain dans le seul sens utile (dans l'un des des scènes plus glaçantes qu'il fait écouter à ses enfants Fly me to the Moon de Bart Howard - interprété par Fred Gardner - le présentant comme une chanson d'un "grand-père" insaisissable et produisant une pseudo traduction simultanée du faux anglais autoréférentiel et délirant) .

VERDICT

-

La désintégration progressive de cet univers artificiel minimal est admirablement restituée par le réalisateur et scénariste Giorgos Lanthimos, qui privilégie largement les plans longs avec caméra fixe d'où les visages des protagonistes sont parfois omis, presque comme pour souligner leur dépersonnalisation. La mise en scène est froide et glaciale, l'ambiance claustrophobe et moqueuse : Dogtooth est un coup de poing sourd dans l'estomac, un film inquiétant et désagréable destiné à rester longtemps imprimé dans les yeux.

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