Réalisé par Maïwenn Le Besco.
La France sur le chemin de la révolution : née en 1743, fille illégitime d'une couturière sans le sou, Jeanne Bécu traverse des temps difficiles en tant qu'enfant (Emma Kaboré Dufour) et adolescente (Loli Bahia). A l'âge adulte (maintenant : Maïwenn), elle tente sa chance à Paris, devient une courtisane connue dans la ville sous le nom de Mademoiselle Lange et finalement la maîtresse du Comte du Barry (Melvil Poupaud). Celui-ci a de grands projets pour elle. Pour augmenter son influence à la cour de Versailles, il présente Jeanne au roi Louis XV (Johnny Depp) avec l'aide du duc de Richelieu (Pierre Richard). Jeanne devient rapidement la maîtresse préférée du roi, au grand dam de la société aristocratique. Les filles de Louis, Adélaïde (India Hair), Victoire (Suzanne De Baecque), Sophie (Laura Le Velly) et Louise (Capucine Valmary) en tête, ont hâte de se mettre la cour et Marie-Antoinette (Pauline Pollmann), l'épouse du petit-fils de Louis et héritier du trône, le futur Louis XVI (Diego Le Fur), à dos Jeanne.
Plus encore que pour les grandes têtes de l'histoire de l'humanité, le film en costumes s'intéresse aux personnages historiques marginaux, surtout lorsqu'ils forment un tête-à-tête avec les grandes têtes. Marie-Jeanne Bécu, comtesse du Barry (1743-1793) est l'une d'entre elles et ce n'est pas la première fois qu'on peut l'admirer sur grand écran. Plusieurs courts et longs métrages sur la dernière maîtresse de Louis XV ont déjà été réalisés dans le cadre du cinéma muet, dont le plus célèbre en 1919 sous la direction d'Ernst Lubitsch avec Pola Negri dans le rôle principal. Les aventures de Madame du Barry, incarnée par Lucille Ball, ont également fait l'objet d'une comédie musicale, dans laquelle un garçon de vestiaire d'une boîte de nuit du présent se rêve à la cour royale française. Aujourd'hui, Maïwenn, actrice, scénariste et réalisatrice née en 1976, s'est emparée de cette vie mouvementée. Pour sa septième réalisation, Maïwenn a pu puiser dans ses ressources. Avec un budget estimé à plus de 20 millions de dollars, "Jeanne du Barry" est l'une des rares grosses productions françaises de l'année 2022. Et cela se voit sur le film. Tourné en partie dans des lieux originaux et doté d'un équipement somptueux, le directeur de la photographie Laurent Dailland se délecte d'images envoûtantes en 35 mm et met magnifiquement en scène la maîtresse jouée par Maïwenn elle-même, qui, par son allure et son apparence, transgresse une fois sur deux l'étiquette de la cour et heurte ainsi la société versaillaise. Mais Maïwenn ne se contente pas de réaliser et d'interpréter le rôle-titre, elle a également coproduit et écrit "Jeanne du Barry" (avec l'aide finale de Teddy Lussi-Modeste et Nicolas Livecchi). Pour familiariser le public d'aujourd'hui avec les us et coutumes du XVIIIe siècle, le scénario choisit de passer par un intermédiaire qui a été ajouté. Nous, spectateurs, arrivons à Versailles en même temps que Jeanne et sommes introduits dans le protocole de la cour par le valet de chambre La Borde, interprété avec une contenance à la fois malicieuse et espiègle par Benjamin Lavernhe. Dès le début, nous pouvons en outre jouer aux souris aux côtés de Jeanne, cachée derrière un miroir vénitien, lorsque le roi Louis XV, incarné par Johnny Depp, doit se soumettre à un rituel matinal au cours duquel la moitié de la cour se rassemble autour de sa couche. Dans la France de la fin du XVIIIe siècle, même la défécation royale devient un acte d'État.
"Jeanne du Barry" regorge de scènes de ce genre, qui démontrent avec complaisance l'absurdité d'un appareil hypertrophié et d'une monarchie fatiguée. L'humour et la folie vont ainsi de pair. Par exemple, l'examen médical que Jeanne doit subir avant de devenir maîtresse royale n'est pas une partie de plaisir. Maïwenn a le mérite d'arracher à cette scène une certaine légèreté et de toujours maintenir la balance entre le comique et le tragique. On pourrait reprocher à la réalisatrice cette insouciance avec laquelle elle projette à l'écran une vie difficile. Mais en fin de compte, c'est un avantage pour le film. "Jeanne du Barry" a été présenté en première mondiale le 16 mai 2023 en tant que film d'ouverture du 76e Festival international du film de Cannes. Tous les regards étaient tournés vers Johnny Depp, qui a récemment fait l'objet d'un scandale. Le rôle du monarque de Depp est sa première apparition au cinéma depuis trois ans et la toute première qu'il joue entièrement en français. La tension est visible sur son visage et la star hollywoodienne, qui n'est que moyennement convaincante, est le plus grand point faible de ce film, mais certainement aussi son plus grand cheval de bataille pour la commercialisation. Ce qui passe un peu inaperçu dans la discussion sur Depp, sur le conflit juridique avec son ex-femme Amber Heard ("Aquaman") et sur la question de savoir si Maïwenn aurait dû lui donner un rôle après les accusations de violence domestique formulées par Heard, c'est le bon travail que Maïwenn accomplit. "Jeanne du Barry" est un film en costumes à la mise en scène opulente, au casting de premier ordre jusqu'au plus petit rôle secondaire et à l'interprétation en grande partie excellente, qui raconte avec autant de compassion que d'enthousiasme l'histoire d'une femme ambitieuse qui monte en grade et qui ne se laisse pas abattre.
VERDICT
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Johnny Depp ne livre certes pas la meilleure performance de sa carrière, mais qui se soucie de la star hollywoodienne quand quelqu'un d'autre est au centre du film ?! Maïwenn est Jeanne du Barry, elle joue la célèbre maîtresse du roi Louis XV avec compassion et enthousiasme et a, de surcroît, coproduit, écrit et mis en scène ce film opulent en costumes. Une performance qui vaut la peine d'être vue.