Jarri était berger ... de dinosaures. Avec eux, il a longtemps parcouru le désert, toujours à la recherche d'eau. Son monde reste sans aucun doute la Terre, mais une Terre fortement modifiée, sur laquelle les dinosaures et les hommes se partagent l'espace vital. Mais tous les êtres vivants ont en commun la lutte pour l'eau. C'est particulièrement vrai pour les personnes qui vivent dans les villes - divisées soit dans les villes basses, soit dans les villes hautes. Le haut et le bas sont décisifs dans la société pour gagner et perdre. En haut, il y a de l'eau, en bas, non. Mais tout le monde n'est pas prêt à accepter cette répartition. Lorsqu'au cours d'une expérience, tout le troupeau de Jarri périt, il se rend dans la ville la plus proche. Il y rencontre un chef politico-religieux, et ses rebelles. La recherche des responsables de la mort de son troupeau entraîne Jarri au cœur de la lutte contre la ville haute. Vingt ans après les événements du premier tome, le nomade Jarri et sa famille vivent avec beaucoup d'autres sur un gigantesque radeau flottant. Il a eu deux filles, l'intrépide Naneï (experte en armes à feu) et la psychique Iriana (aveugle de naissance). Le niveau de la mer a augmenté et les survivants tentent de s'adapter à la nouvelle réalité, en voguant sur Andamanis, un agrégat de bateaux qui a généré une sorte d'île artificielle. La loi du plus fort s'applique et des pirates en maraude attaquent le radeau. Korienzé, la femme de Jarri se met alors en route pour retrouver les coupables et se venger. Mais ce qu'elle trouve à la fin est tout sauf une rédemption. Une parabole sur notre propre monde.

L'histoire a besoin d'espace. Et le volume de 24 x 32 cm lui donne suffisamment d'espace, que Perriot utilise de manière fantastique. Avec des panneaux parsemés sur une ou deux pages, une architecture de page généreuse sur les autres pages et une réduction du langage à l'essentiel absolu, il donne à ses images l'espace dont elles ont besoin pour s'épanouir pleinement. Il se plaît à représenter des scènes de chasse et de poursuite, les faisant avancer sur plusieurs pages sans paroles.  Le dessinateur réussit à faire le grand écart entre la précision des détails d'une part et les allusions diffuses d'autre part. Là où il suggère, il laisse le spectateur à son imagination. Cela surtout dans certains panneaux qui reflètent la simili vie urbaine. Ici, le dessinateur s'est volontiers limité à des allusions. Son style de dessin rappelle parfois les premiers albums de Jeremiah du Belge Hermann Huppen et Moebius. L'histoire que développe Perriot s'éloigne des scénarios post-atomiques habituels. Nous savons par la mention des Rocheuses que l'intrigue se déroule aux États-Unis. Sinon, le lecteur n'apprend rien sur les circonstances extérieures, par exemple comment est né le nouvel ordre, pourquoi des dinosaures sont apparus ou autre chose. Le lecteur peut se faire ses propres idées à ce sujet, il peut faire un parallèle avec l'œuvre de H.G. Wells, dans laquelle Morlocken et Eloy sont nés de la division de la société. Il peut aussi y ajouter l'élément eau, faire du haut et du bas, du nord et du sud, et trouver dans ce volume une parabole réussie sur l'état du monde actuel. L'intrigue est franchement intéressante mais il ne faut pas s’attendre à un histoire « feel good » ce n’est pas le propos. Nous sommes plus du côté Blade Runner que Star Wars. Attention aussi à bien prendre du temps pour tout décortiquer si vous voulez tout comprendre. Un simple exemple : L'une des filles du personnage principal est aveugle et ce n'est pas vraiment perceptible, sauf si vous avez lu au préalable le résumé de l'album.