Les préjugés sont tenaces. Les réflexes qui en découlent, souvent guidés par la première image que cela renvoie. Il est tellement plaisant de constater a posteriori qu’ils n’étaient rien, que l’on s’est trompé et que l’instinct est plus souvent forgé par nos carapaces que par une réelle envie de s’ouvrir. C’est dans l’enfer des colonies, en Cochinchine (NDLR : au sud de l'actuel Viêt Nam) dans les années 1920, que l’on voit débarquer Settimo, un bûcheron, ancien militaire au passé trouble. Il colle parfaitement avec avec l’idée d’une colonisation brutale et sans cervelle. Il va rapidement se heurter à la réalité des gens sur place, à leurs souffrances, leurs croyances, leurs conditions de vie déplorables. Missionné secrètement par l’État français pour débusquer la propagande anticolonialiste, il trouvera dans « La querelle des arbres », les raisons de s’ouvrir aux autres et de découvrir l’aberration des sachants, porteurs des grands écrits des lumières qui n’ont pas le droit de cité en dehors des frontières françaises.

Tout y est, les accords tacites entre exploitants capitalistes et état, de la répression aveugle des initiatives populaires, de la destruction de la culture locale et du mépris des occidentaux pour les coutumes du peuple asservi. Les auteurs déconstruisent Settimo pour en faire un soutient et plante l’arbre qui transformera son cœur de bois. Faire naitre la révolte dans l’opposition à l’abattage des arbres amène une belle poésie écologique au cœur de transformation industrielle asiatique qui est toujours terriblement d’actualité. Les dessins de Renaud Farace renforcent un peu plus cette impression de calme dans la tempête et de supériorité de la nature sur l’homme. Et lorsque les préjugés partent et qu’il ne reste que les faits on peut retrouver, comme Settimo, un apaisement a jouir du présent sans trop pleurer le passé. Avec respect pour ce qu’il en est et dans le bénéfice de ce qu’il nous a apporté.