Lors du salon des Indépendants de 1910, Frédéric Gérard, Roland Dorgelès, André Warnod et Pierre Girieud exposèrent le tableau de Joachim-Raphaël Boronali, dit Le Boronali, qui fit grand bruit. Cet artiste imaginaire était en effet un âne. Au-delà du canular potache, l'idée de cette bande d'amis s’inscrivait dans la logique dadaïste de Marcel Duchamp (l'urinoir) pour dénoncer une certaine forme d’Art. Stephen Desberg reprend cette idée dans une forme d'onirisme surréaliste en racontant, au sens premier, l’histoire d’une petite chienne aux reflets jaune et vert. Résultat : un récit ultra classique d’ascension tragico-artistique d’une artiste en devenir dans un Paris fantasmé, teinté d’une troublante atmosphère impressionniste. Le scénariste renoue ainsi avec ses premières amours animalières, quarante ans après la création de l’excellent Billy The Cat (1982-2007 chez Dupuis, avec Stéphane Coleman). Cette fois-ci, ce n'est pas un chat qui fait l'apprentissage de l'Humanité, mais une petite chienne qui se retrouve catapultée dans une aventure improbable haletante.

Ecoline, âme pure qui ne demande qu’à s’épanouir, métaphore de tous les possibles artistiques — quand le talent est naturellement présent et non dogmatiquement décrété — se confronte à toutes les vicissitudes d’un univers dont elle ne maîtrise pas tous les codes. Le dessin de Teresa Martinez joue avec les ambiances de la plupart des mouvements picturaux de la fin du XIXème et du début du XXème siècle, Impressionnisme en tête, dans une atmosphère de dessin animé à l’ancienne avec traits de crayon apparents et lumière magnifique. Elle parvient à donner de l'ampleur aux attitudes d’Ecoline selon le sens du récit. La petite chienne est alors représentée de manière enfantine, réaliste, ou sous un trait impressionniste. Parfois elle se voit parfois réduite à quelques crayonnés distinctifs, presque abstraits.