Clear est une série de comics à thème post-cyberpunk de Scott Snyder, l'un des scénaristes de Batman, et illustrée par Francis Manapul. Elle suit le détective Sam Dune, dont la femme vient d'être assassinée, alors qu'il explore les raisons de sa mort en voilant et dévoilant des réalités augmentées, à la recherche de quelque chose de réel. San Francisco est devenue une dystopie en 2052, un monde si mauvais que les gens doivent le voiler pour faire face à sa laideur. Les voiles sont des peaux qui créent une réalité augmentée visible grâce à des implants cognitifs. Certains remplacent le monde par une ville western pittoresque, tandis que d'autres le caricaturent pour en adoucir le tranchant, mais ces voiles sont uniques à leurs utilisateurs, et il existe des lois interdisant à un trop grand nombre de personnes de partager le même voile. Cela nous amène aux thèmes de l'intersubjectivité, de l'impuissance apprise et de l'éveil. La société a atteint un point où il n'y a plus de consensus sur la réalité : les faits, les sources d'information, le bien, le mal, tout est négociable. L'absence de consensus social sur ce que les gens perçoivent les maintient désunis, engagés dans leurs propres fantasmes virtuels qui nient la lutte de la classe ouvrière. Sam, lui, est clair, c'est-à-dire qu'il prend la réalité à bras-le-corps, comme un coup de poing dans le ventre ou un verre d'alcool, en refusant de la voiler.

‍‍‍‍‍Au fil des séquences d'action et de trahison, Sam découvre bientôt que sa femme, Kendra, avait d'autres projets avant de mourir. Son objectif était de créer un voile partagé illicite si puissant qu'il pourrait conduire à une révolution contre le système oppressif qui permettait à l'inégalité de prospérer. Ce voile ne serait pas du tout un voile, mais une révélation de la vérité. Malheureusement, cette révélation se présente sous la forme d'un fichier trop volumineux pour être géré par le système, l'idée de liberté est trop idéaliste, et la réalité se révèle plus effilochée et fragmentée que tout ce qu'ils peuvent imaginer. Au fur et à mesure que l'histoire progresse, la Veuve est révélée, un personnage intéressant aux intentions ambiguës qui est la clé du mystère de Sam. Ses robes sont des fenêtres sur les voiles de la réalité augmentée, permettant aux autres de voir de nouveaux mondes de possibilités. Mais ce qui est le plus frappant, c'est ce que Sam Dunes finit par ne pas voir. Le style d'écriture est direct, avec des références typiquement noires que les aficionados du cyberpunk ne trouveront que trop familières, jusqu'à la femme fatale. Les illustrations sont magnifiques, avec des mises en page créatives, en particulier lorsque la réalité voilée s'infiltre dans le monde réel. Une simple montre et un vieux cerisier offrent un symbolisme puissant, ce dernier devant être réintroduit à la fin de la série pour capitaliser sur la métaphore.