"So if you are the big tree / We are the small axe / Ready to cut you down / To cut you down". Lorsque Bob Marley a écrit la chanson "Small Axe" vers 1969, il s'agissait d'une déclaration de guerre assumée contre la société en général et contre le sound system (Sir Coxsone Downbeat) qui dominait alors en Jamaïque. La mini-série éponyme, qui raconte la vie de la communauté d'origine caribéenne à Londres dans les années 1960 à 1980, est moins victorieuse. Les cinq parties ne montrent que de petits succès, souvent uniquement personnels, dans la tentative des individus de se faire une place dans la société britannique. Le racisme auquel les gens sont confrontés, l'arbre à abattre, semble trop profondément enraciné pour être totalement maîtrisé, malgré toutes les évolutions positives. Les différents épisodes, qui ne sont pas directement liés entre eux, forment ensemble une sorte de panoptique d'une vie cernée par la haine. Chacun traite d'un problème clairement séparé. Dans le premier épisode (Mangrove), Frank Crichlow (Shaun Parkes) souhaite simplement exploiter un restaurant antillais à Notting Hill, tandis que la police est trop heureuse de répondre à l'expansion d'une culture étrangère et "inférieure" par des raids incessants. Nous voyons ainsi comment le mépris systématique de l'humanité conduit à la radicalisation. La fête à domicile de Lovers Rock renvoie à son tour aux divisions au sein de la communauté. Les "lovers" rencontrent les "rockers", les femmes rencontrent les hommes débordant de testostérone, la fête rencontre les problèmes de drogue. Dans Red, White and Blue, Leroy Logan (John Boyega) tente de changer la police de l'intérieur, mais se retrouve dans un isolement total. Ses collègues barbouillent son casier, ne le soutiennent pas en cas de danger, ses supérieurs l'ignorent lors des promotions, tandis que ceux qu'il veut aider et donner une meilleure image de la police ne voient en lui qu'un traître. Alex Wheatle raconte un déracinement généralisé, l'orphelin maltraité Alex (Sheyi Cole) essayant, à l'adolescence, de trouver un lien avec ses semblables. Enfin, dans Education, c'est Kingsley Smith (Kenyah Sandy), douze ans, qui est d'abord négligé puis exclu du système éducatif, tandis que ses parents, qui occupent divers emplois, n'ont pas le courage de remarquer ce qui se passe chez leur fils.

Les types gagnants sont visiblement au centre de l'attention. Red, White and Blue ne se lasse pas de souligner que Leroy Logan était un scientifique avant d'entrer dans la police, qu'il est en pleine forme, qu'il surpasse mentalement et physiquement tous ceux qui l'entourent. Alex Wheatle ne parvient pas à échouer dans la vie malgré tous les coups portés, tandis que Kingsley réapprend à s'émerveiller. Ce n'est qu'après avoir tenté tout ce qui est légal et pacifique que Frank Crichlow se joint à la lutte militante contre la police et s'oppose avec ses compagnons d'armes de manière créative et astucieuse. Tandis que Martha (Amarah-Jae St. Aubyn) n'est pas une victime, mais sait se défendre contre la violence sexuelle avec des éclats de verre. Ce ne sont pas simplement des gens normaux qui se font démolir par une Angleterre qui les rejette, même les meilleurs des meilleurs risquent d'échouer. Lorsque le "Mangrove" est une fois de plus démantelé et que les clients comme le personnel du restaurant sont arrêtés par la police pour des raisons hypocrites, la caméra s'attarde longuement sur un bol qui oscille sur le sol d'une cuisine désormais vide et qui s'apaise lentement. Lorsque Leroy Logan est au plus bas, il est montré dans une image aux couleurs froides et aux surfaces lisses, dans laquelle lui et son entourage sont fragmentés. Alex Wheatle est régulièrement ligoté au sol. Les moments d'impuissance sont couverts par la série avec toute son expressivité cinématographique. Ils semblent être les points que l'on attend. Ce n'est qu'ici que le drame nécessaire à la dénonciation est complet. Et ce n'est que dans la défaite que se révèle le vainqueur, qui se relève pourtant. Cette conception de ses histoires comme des coups de projecteur sur un monde injuste détermine Small Axe jusqu'à la moelle. Lovers Rock est, sur le papier, une contribution très détendue. Il n'y a guère d'intrigue, mais plutôt des miniatures atmosphériques. Le sound system est installé, on se met sur son 31, on danse, on chante, on parle. Une histoire d'amour offre le soupçon d'un fil rouge auquel on revient de temps en temps. Mais la caméra est loin d'être décontractée. Il y a un moment enchanteur lorsque Silly Games de Janet Kay se termine et que les gens continuent à se trémousser et à chanter sur la piste de danse pendant plusieurs minutes. Mais la caméra, lorsqu'elle traverse à nouveau la piste de danse, ne se fond pas dans l'instant, mais fixe comme un objet d'étude qui lui est étranger. Et l'homme qui regarde et traite les femmes comme des bêtes de boucherie est sans cesse cadré de manière menaçante. Comme si l'on guettait seulement une agression sexuelle, à la recherche obsessionnelle d'un drame.

Plus encore que les images, ce sont les dialogues théâtraux qui ne font que suivre la ligne du drame. Ils se contentent d'élaborer la situation et de la situer dans un grand ensemble. Ils refusent littéralement de vivre au-delà de la situation problématique. Dans cette concentration, les personnages sont réduits à l'état de marionnettes dans une pièce d'apprentissage. Les destins souvent authentiques sont effectivement consternants, et les modèles réels sont souvent à bord en tant que consultants, mais l'émotion est étouffée sous le message absolu. Et sur le plan esthétique, tout est de toute façon axé sur la compréhension et non sur l'audace. Ainsi, tout au plus les personnages secondaires ont-ils parfois la chance de ne pas être totalement surdéterminés. Ils continuent certes à être les porteurs d'eau de l'intrigue, à donner les impulsions nécessaires au personnage principal, mais leurs biographies ne sont cependant pas si terriblement claires et schématiques. Curieusement, dans Mangrove, ce sont les personnages "blancs" qui sont fermés et qui semblent non seulement ambivalents, mais aussi plus libres dans leur évolution. Par exemple, un policier raciste est introduit comme le pendant résolument destructeur de l'espoir initial de la communauté, lorsqu'il est assis dans les voitures devant le mangrove et qu'il exprime son dégoût dans un discours ferme. Lorsqu'on le voit une dernière fois dans le film, avant qu'il ne soit tout simplement plus appréhendé, il est à nouveau assis dans la voiture devant le restaurant, cette fois-ci en civil et silencieux. Mais ce qu'il fait là n'est jamais expliqué. C'est justement ce qui le rend d'autant plus menaçant. Les deux parties que le réalisateur Steve McQueen a écrites avec Courttia Newland (Lovers Rock et Red, White and Blue) sont encore celles qui parviennent le mieux à se détacher de ce contrôle omniprésent. Mais dans l'ensemble, Small Axe n'est guère plus qu'une séance d'information qui, avec un artisanat solide et des acteurs formidables, gaspille surtout des potentiels à grande échelle. La seule chose qui reste durablement en mémoire est le reggae, qui marque de manière décisive trois des cinq parties. (Red, White and Blue ainsi que Education s'en passent, de manière significative, les épisodes qui traitent de familles qui ont internalisé la haine de leur propre couleur de peau de manière non négligeable). En tant que playlist de chansons d'amour tendres, de dubs oppressantes, de chansons de révolte et de nonchalance, Small Axe parle de manière beaucoup moins obsessionnelle de ses situations problématiques.