Réalisé par Steven Spielberg.
Les derniers mois tumultueux du mandat du 16e Président des États-Unis. Dans une nation déchirée par la guerre civile et secouée par le vent du changement, Abraham Lincoln met tout en œuvre pour résoudre le conflit, unifier le pays et abolir l'esclavage. Cet homme doté d'une détermination et d'un courage moral exceptionnels va devoir faire des choix qui bouleverseront le destin des générations à venir.
Le sujet du film reste de montrer un génie politique au travail (le sous-titre du livre dont est adapté le scénario est « The political genius of Abraham Lincoln »). Le régime est celui de l'exhibition, mais dans le sens où il faut montrer, ce que l'aura d'intelligence d'un personnage a de puissant, de ce qu'elle rayonne sur les visages abasourdis de ceux qui l'observent, de ce que les idées exprimées sont filmables et même très cinématographiques (conception très européenne, presque rohmérienne). La lumière de Janusz Kaminski n'est pas étrangère à la capacité de fixer ces connaissances sur quelques images fulgurantes, donnant une vision indélébile d'une Maison Blanche terriblement sombre, feutrée, comme une « maison hantée » (dixit Spielberg) où percent ça et là d'intenses rayons directs des fenêtres, où déambule un Lincoln presque somnambule, travaillé par ses idées qui le privent de sommeil. La surprise de la vision Spielberg/Kushner du personnage vient que l'intelligence de Lincoln est une culture amusée, dédramatisée en soi, comme lorsqu'il laisse les deux opérateurs du télégraphe interpréter sa référence à Euclide ou qu'il ruse dans son billet avec son « Pour autant que je sache, il n'y a pas d'émissaires en route pour Washinton ». Daniel Day-Lewis porte ce rôle avec une couche supplémentaire de malice, d'ironie, les épaules voutées, le sourire et la blague toujours au coin des lèvres. Les professeurs les plus marquants sont décidément ceux qui ont de l'humour. Mais ce Lincoln-là écoute déjà plus qu'il ne parle et figure déjà la stature solide, robuste mais fatiguée (à 55 ans) de cet homme très conscient d'écrire l'Histoire au présent.
En résulte toute une vision de cinéaste qui n'a rien du « petit bout de la lorgnette » habituel mais plutôt de l'effet grossissant d'un télescope braqué sur la terre, terre qui se change en boue (la scène d'ouverture, bataille résumée avec une grande économie d'effet), se mêle bientôt de sang. Beau et rare le sentiment d'avoir devant soi un grand film fordien, tant l'ombre qui plane sur ce faux biopic mais cette vraie biographie est celle du John Ford et son “Young Mr. Lincoln” (1939), dont il forme un complément idéal et tant Spielberg partage avec Ford une roublardise amusée qu'on ne lui connaissait pas, qui ne peut être que celle des grands maitres.
VERDICT
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Lincoln est une (longue) leçon d'histoire, mais aussi un grand moment de cinéma avec un film vraiment passionnant et sans concession. Tous les protagonistes sont dans le même élan et on comprend vite que le vrai héros du film est ce fameux 13ème amendement.