Voici le tome 2 des Pionniers qui forme un diptyque complet. La série raconte l'invention du cinématographe et la concurrence que se sont livrées deux hommes : Charles Pathé et Léon Gaumont. Autour des premiers balbutiements du cinéma, c'est une course industrielle, artistique et commerciale qui se joue. La rivalité entre les deux hommes les forcent à innover pour conquérir le public. Nous sommes désormais en 1900 aux Etats-Unis, où la situation n'est guère plus facile qu'en France. La MPPC (Motion Pictures Pattern Company) mène a vie dure aux petits producteurs qui se voient contraints de ne pouvoir tourner que des one-reel, des bobines d’une dizaine de minutes tout au plus, fournies en exclusivité et à des prix exorbitants. La Mecque du cinéma de l’époque n'est pas Hollywood mais Fort Lee dans le nord de New York, où la concurrence s’annonce des plus rudes. La Fox, la Star Films de Méliès et l’ancêtre d’Universal, la Champion Film Company, y ont effet installé leurs quartiers. Les productions d’Alice Guy explorent une grande variété de genres et se distinguent par leurs sujets clivants, parmi lesquels l’immigration, l’antisémitisme, les préjugés raciaux, la traite des blanches ou encore les luttes sociales.

Il s'en est fallu de peu pour que le cinéma, encore balbutiant, ne disparaisse à l'issue d'un procès pour avoir causé la mort de centaines de personnes. C'est ce que nous montre cette BD, en présentant les destins croisés de Gaumont et de Pathé. Avant d'être les entreprises que nous connaissons, ils ont été des entrepreneurs avides de succès, des rivaux absolus ne voyant dans le cinématographe qu'une énième opportunité de s'enrichir sur le dos des frères Lumière, des industriels ne considérant leur création que comme une curiosité scientifique. C'est dans cet unique but que les deux concurrents inventeront successivement des phonographes, des projecteurs, des caméras ou des salles de diffusion. Heureusement, ils travailleront avec des réalisateurs passionnés, comme le célèbre Georges Méliès, concepteur des premiers effets spéciaux, ou Alice Guy, encore trop méconnue, alors qu'elle a inventé les films de fiction et avait une ambition artistique démesurée. Les dessins et les couleurs de Jean-Baptiste Hostache sont superbes et le grand format de l'album permet d'avoir des très belles planches aérés et agréable à lire. L'ensemble est parfaitement documenté et passionnant.