Publiée à l'origine en deux parties, la bande dessinée The Last Detective est l'un des plus grands succès de la bande dessinée latino-américaine et est désormais disponible en un seul volume chez Drakoo. Le comic book a un scénario du Chilien Claudio Alvarez (El Gran Guarén) et des dessins de Geraldo Borges, connu pour son travail pour Marvel, comme Wolverine et les X-Men, entre autres. L'intrigue se déroule dans un futur dystopique dans l'état de New Amazonia, un mélange d'utopisme panaméricain et de rétro-futurisme, avec des touches d'esthétique cyberpunk. Ce continent unifié est menacé par une nouvelle drogue, qui procure à son utilisateur une transformation radicale, ainsi qu'une beauté incroyable et un plaisir intense, mais qui est fatale. Après la première dose, dans la semaine qui suit, la personne meurt d'une manière très bizarre, ses organes explosant tout simplement. Pour faire face à ce problème, la police fait revenir l'agent Joe Santos, un ancien enquêteur qui a abandonné sa carrière après l'échec d'une affaire ayant causé la mort de sa partenaire. C'est la devise du comics, qui réunit des éléments de la bande dessinée d'action avec un récit de science-fiction très bien construit, en plus d'avoir un soin esthétique très raffiné et détaillé. Un travail de production et d'édition qui place le comics, en termes de qualité, aux côtés des meilleures œuvres du genre. Le scénario suit deux directions en parallèle : montrer le déroulement de l'enquête sur le nouveau médicament et les décès qu'il provoque et le passé de Joe Santos, avec les problèmes qui l'ont conduit à abandonner sa carrière. À un moment donné, ces deux axes narratifs se rejoignent, ce qui donne lieu à un récit bien orchestré qui apporte un rebondissement à la fin.

Au milieu de tout cela, les auteurs en profitent pour placer le lecteur dans le monde de la Nouvelle Amazonie, même si ce cadre a été si bien délimité. L'art et les dessins pensés pour donner vie à ce monde apportent un impact visuel qui impressionne, mais l'impression est qu'il manquait un peu de travail sur la partie conceptuelle pour une plus grande immersion dans cette république unifiée. Ce manque de contexte historique sur la formation de cette Amérique latine crée quelques obstacles à la lecture. Par exemple, nous ne savons pas grand-chose du pays mapuche, le Wallmapu, qui a résisté et ne faisait pas partie de la nation panaméricaine. Nous savons également peu de choses sur la division géopolitique, les langues et les relations entre les différentes régions - imaginez le melting-pot culturel dans un pays comme celui-ci. Pour mieux fonctionner avec les concepts du scénario, la bande dessinée apporte un interlude qui simule une édition de journal qui explore les problèmes du pays, mais ce n'est pas grand-chose.  L'ordre social actuel (et ses stratifications) est également peu travaillé dans l'intrigue, ce qui est essentiel pour comprendre les nuances dans une histoire policière qui se nourrit de ces frictions et tensions sociales. La construction du personnage principal, Joe Santos, est également problématique. Il remplit tous les stéréotypes du héros macho déjà travaillés jusqu'à l'épuisement dans la culture pop et surtout dans les comics (Rambo, Punisher, Robocop, Cable, Terminator, Nick Fury, Master Chief, etc., etc.), et ce concept semble déjà un peu lassant. Le scénario tente même, à travers l'exploration du passé de Santos, d'apporter de la complexité et des nuances au protagoniste, mais le récit reste très otage de son archétype et du moteur créatif du genre policier. L'impression est que cet univers dystopique si rarement vu dans les histoires de science-fiction - une nation panaméricaine cyperbunk - pourrait donner lieu à des personnages tout aussi originaux. La portée des autres personnages de l'intrigue suit également des solutions déjà assez éprouvées, comme le robot intelligent à forte personnalité et le chef bourreau du département de la police. La dynamique entre Santos et son partenaire robotique, C-Cilia, donne cependant lieu à des moments très amusants.