IIIème siècle après J.C.  L'Inde actuelle n'est pas encore formée, le pays est en effet divisé en plusieurs royaumes se faisant la guerre, un peu à l'image de ce qui touche la Chine voisine. Malgré un titre explicite, Kamasutra : De chair et de sang nous raconte avant tout une histoire de vengeance. Celle d'un jeune homme nommé Basvaraj, envers la femme la plus respectée de toutes, une femme belle, mais aussi cruelle et crainte des rois : Bhairavi, surnommée la Reine écarlate, qui se trouve également à la tête de la plus forte armée locale. Le seul défaut de cette guerrière qui défie les dieux ? Son appétit charnel… et qui de mieux placé pour aider Basvaraj dans son objectif que l’inventeur du livre des livres… Le Kamasutra ! En effet, Bhairavi met au défi ses amants de la satisfaire, mais d'aucuns n'y arrivent. Dans trois semaines, Basvaraj sera dans son lit et il a de fortes probabilités de ne pas en réchapper. D'où cette idée de consulter l'auteur du manuel sexuel le plus célèbre au monde.

Tout le monde en a entendu parler, mais sur le plan sociétal, nous ne savons pas de quel type de manuel il s'agit. La perception du public du Kama Sutra semble souvent être qu'il s'agit d'une liste de positions sexuelles. Bien qu'il y ait beaucoup de choses sur le sexe dans le Kama Sutra , il y en a aussi beaucoup plus, des conseils d'hygiène aux conseils relationnels en passant par, euh, comment s'en sortir en trichant. Il s'agit essentiellement d'un guide pour profiter de la vie de différentes manières. Certaines d’entre elles sont assez intemporelles, tandis que d’autres adhèrent tout à fait aux normes de classe et de genre d’une époque révolue. L’une des raisons pour lesquelles cette pratique est si considérée comme axée sur le sexe est la manière dont elle est arrivée en Occident. Le Kama Sutra a été écrit au IVe siècle par le philosophe Vatsyayana. Il s'agit d'un texte long et dense incorporant à la fois de la prose et de la poésie et comprenant des sections narratives où les hommes et les femmes sont représentés par des personnages. Il a existé sous de nombreuses formes différentes au fil des siècles, avec de multiples versions partielles et diverses sections éditées et mises à jour. L'explorateur, diplomate, linguiste et anthropologue britannique Sir Richard Burton (aucun lien de parenté avec l'acteur) a entendu parler du Kama Sutra lors d'un voyage en Inde au début des années 1880 et a chargé un archéologue et traducteur, Bhagwan Lal Indraji, de le compiler et de le traduire. Sa traduction a ensuite été éditée par Burton, qui l’a filtrée à travers une mentalité impérialiste victorienne. De nombreuses références à des parties spécifiques du corps ont été rendues légèrement plus vagues, afin d'exotiser et de déscandaliser le texte. Le résultat, publié à Londres en 1883, était moins explicite mais aussi moins constructif et moins pertinent. Bref, cet aparté mis à part, cette histoire de l'indien Sudeep Menon publiée aux éditions Daniel Maghen prenant place dans un cadre assez peu vu en BD a réussi à nous passionner. Chaque nuit, Bhairavi choisit un prisonnier pour combler ses envies et l'exécute au matin. Il y aurait de quoi couper l'envie à n'importe qui ! Ce récit est inspiré par la véritable histoire de Vatsyayana. Il y a beaucoup d'actions, de combats à l'épée et de passage saignants, mais aussi des moments sensuels forcément. La dessinatrice Laura Zuccheri l'a sublimée avec des planches magnifiques s'étalant souvent à bords perdus et aux couleurs éclatantes. Le sous-titre du livre est adapté en ce sens qu'il s'agit d'un conte aussi sensuel que violent. Encore une fois, une édition spéciale est également proposée, cette fois dans la librairie Bulles en Tête avec dos toilé, couverture inédite, ex-libris numéroté et signé, cahier graphique supplémentaire de 16 pages.