"Mais pourquoi les envoyer à tout prix en métropole?" 1965, La Réunion. Une assistance sociale arrache à leur mère veuve Jean et sa sœur Didi. Séparé de celle-ci, il est transplanté en France dans des foyers de la DDASS, des familles d'accueil. Livré à lui-même, il ne cessera d’être en quête de ses racines et de Didi. Le regard hagard de Jean sur la première de couverture en dit long sur ce qu’ont enduré " les enfants de la Creuse" (département dans lequel il y a eu le plus d’enfants placés). De 1962 à 1984, afin de repeupler des départements en métropole et de désengorger la Réunion, plus de 2000 mineurs sont envoyés en France. Michel Debré, député de la Réunion, avait mis en place le Bumidom (départ volontaire de majeurs de 1963 à 1982). S’il n'est pas responsable de la transplantation des mineurs, il ne s’y est pas opposé. Ainsi, l'ASE (aide sociale à l’enfance) a continué d’"arracher ces enfants à des conditions misérables" "pour en sauver le plus possible".

«Responsables mais pas coupables»? La construction de cette bande dessiné sert bien le propos poignant mais non dénué d’humour (le créole si doux à l'oreille). Elle contient trois histoires de temporalité différente subtilement imbriquées et différenciées par un jeu de couleurs : *vert: Jean adulte revenant à la Réunion dans l'espoir de retrouver sa famille. *rose: Jean et Didi jusqu'à leur placement. *beige: Lucien jeune fonctionnaire affecté à la Réunion qui rencontrera Jean enfant dans l'avion. Des pages de journaux fictifs clôturent chaque histoire et nous éclairent sur le contexte. Enfin, l'auteur, voulant "mettre des images sur cette affaire", montre les vécus différents de ce placement : traumatisme, intégration... Piments zoizos dénonce aussi à travers ce récit fictif la déshumanisation des dossiers classés en sigles (PO pupilles orphelins/PA pupilles moralement abandonnés/RT retirés temporaires/EG en garde),l'attribution d’un nouvel état civil,l'absence de suivi une fois en France.